Autour de son regard rêveur aux couleurs de la Seine, qui trahit une certaine forme de sensibilité féminine, les mèches de ses cheveux sans cesse ébouriffés retombent sur des sourcils noirs et épais, plus masculins. Son nez retroussé de petit Apollon donne envie à n’importe quelle brute épaisse, éprouvant une jalousie légitime ou peut-être un sentiment inconscient et interdit à refouler au plus vite, de lui asséner une salade de phalanges, rien que pour lui apprendre. Sa bouche large, aux lèvres faîtes pour embrasser, est entourée d’une pilosité naissante juvénile. Sa peau claire est légèrement tannée par le soleil, à force d’arpenter les rues d’un petit boulot à un autre, et quelques cicatrices marquent discrètement son visage, vestiges de sa jeunesse passée à recevoir les coups de poings des brutes mentionnées précédemment.
Physiquement, la malnutrition ne lui a pas permis de grandir au-delà du mètre soixante-dix, et sa musculature pourrait être qualifiée au mieux de svelte, et au pire de maigrichonne et faiblarde.

D’une façon générale, le moins qu’on puisse dire de lui est qu’il ne laisse pas les filles indifférentes. Mais son étonnante beauté semble être aussi un handicap...

En effet, tous et toutes se retrouvent bien souvent démunis face à cette gueule d’ange. On le trouve parfois trop beau pour qu’on ose lui adresser la parole, ou bien trop rêveur et doux pour être le partenaire idéal dans un monde froid et cruel ou la force et le pouvoir comptent plus que l’apparence. Tout au long de son enfance jusqu’à encore maintenant, il fut ostracisé et victimisé par d’autres plus laids, bêtes et méchants que lui, ce qui la poussé à devenir un jeune homme reservé et discret, rasant les murs et baissant la tête.

Néamoins, il est d’une nature amicale et joviale lorsqu’il se sent en confiance avec les gens. Quelques rares amis, probablement tout autant que lui trop tendres pour ce monde abrupt, l’entourent et le soutiennent. Il leur voue une admiration et une amitié indéféctibles, et serait prêt à tout donner pour eux.

Son expérience personnelle de la vie lui a appris à se montrer méfiant envers les inconnus, ce qui l’a rendu un brin solitaire, mais secrètement, il ne rêve que d’acceptation, de paix, de bonheur, et peut-être même de changer le monde, de faire quelque chose de grand, quelque chose qui donnerait du sens à cette vie dans un monde dévasté. Souvent, il éprouva un peu comme tout à chacun dans les Terres Désolées, des idées noires, qu’il parvint à combattre grâce à quelques superstitions personnelles auxquelles il s’accroche avec fermeté.

Encore jeune, il est très perméable aux idées neuves, et assez maléable. Assez influençable, car d’un naturel peu affirmé, et comme dit précédemment un peu désireux de changer le monde, il peut encore facilement basculer dans n’importe quel camp selon les gens que le destin placera sur sa route. Il est un terreau fécond au pire comme au meilleur.

Lucie Razevitz, dix-huit ans, le met au monde dans un petit immeuble partiellement détruit, le 16 avril 2159. À cause d'une situation pécuniaire fragile, et faute d'avoir pu obtenir des soins ou une personne qualifiée pour l'assister, le premier jour de Lenny Kravitz fut également la première et plus grande tragédie de sa vie. Le jour de l'accouchement, seule sa cadette, Rosie Razevitz, était présente, et celle-ci ne put rien faire pour sauver sa sœur, qui quitta ce monde cruel, vidée de son sang. Dans ses tous derniers instants, Lucie fait promettre à sa sœur de s'occuper de l'enfant comme de son propre fils, puisque le père était un illustre inconnu insaisissable qui s'était simplement contenté de donner le germe de la vie avant de retourner à ses aventures, en parfait égoïste. Rosie n'était alors âgée que de seize ans.

Malgré la détresse, elle devient la mère de l'enfant et l'élève sans jamais tenir pour responsable Lenny de la tragédie qui emporta sa sœur. Sans lait maternel, Rosie part à la recherche d'une communauté et d'une nourrice prête à accueillir l'enfant et elle-même. Elle rejoint une petite communauté fortifiée, placée sous la protection des Régulateurs, où elle peut vivre à l'abri (relatif) des dangers de la Capitale.

Lenny grandit, et, comme tous les enfants nés dans les ruines du monde d'après la guerre, passe le plus clair de son temps à vadrouiller ou à exercer de petits travaux à la portée d'un enfant, contre quelques capsules qui lui assurent sa subsistance.
Bien que d'une nullité affligeantes pour les sciences et les mathématiques, même les plus basiques, il apprend à lire assez jeune, avant ses douze ans. C'est grâce à la bienveillance de Marie Cochère et Florent Bidet, bénévoles et éducateurs en charge de l'instruction des enfants. Plus intéressé par les fictions palpitantes que les ouvrages ennuyeux, il passe alors beaucoup de son temps libre à lire des bande-dessinées de Grognak, des romans de la Maîtresse du Mystère, et autres récits romanesques de Dumas, Rabelais, Châteaubriant ou Maupassant.

De cette habitude peu commune et plutôt solitaire, qui s'ajoute a une certaine inaptitude aux travaux physiques, il obtient le mépris et la violence de la majorité des autres enfants de son âge. Déjà bouc-émissaire, défouloir et victime durant l'enfance, la puberté qui le rend singulièrement beau en grandissant finit de cristalliser la haine qu'il engendre, sans qu'il ne sache pourquoi. Et maintenant, même de la part des adultes.

Malgré cet environnement très particulier, sa tante Rosie l'entoure de beaucoup d'amour et d'affection, et il se fait néanmoins quelques amis infaillibles de son âge sur qui il peut compter. Avec Luis, Esteban et Olga, ils forment un quatuor de jeunes gens un peu paumés, inadaptés et rejetés. Inséparables, ils sont toujours ensemble, à faire les 400 coups, et essayent juste d’éviter les ennuis.

Maintenant âgé de dix-huit ans, et fortement encouragé par les brimades sa tante qui ne cesse de lui répéter qu'à son âge, elle était déjà bien plus autonome et mature que lui, Lenny décide de prendre sa vie en main et quitter ma protection du foyer, de sa mère adoptive, et du quartier des Régulateurs.

Il se rêve journaliste, ou politicien, prêt à changer le monde. Ou bien peut-être activiste pour la dépollution des sols, ou engagé pour la paix ? Quoiqu'il advienne, son cœur pur le pousse à rêver du meilleur.

L'avenir nous le dira.