Le traversée de la grande mer des Abîmes était certainement le plus périlleux voyage qu'un Homme pouvait faire. Seuls les plus désespérés et quelques pèlerins zélés étaient assez idiots pour vouloir plonger dans le brouillard radioactif. Mais les 3 individus qui longeaient les vestiges d'une ancienne voie ferrée n'étaient ni l'un ni l'autre.
Il s'agissait de trois régulateurs envoyés par la guilde afin d'enquêter sur les disparitions inquiétantes touchant Nécrotopia. L'un d'eux était David Sharon, régulateur au grand cœur qui aurait pu être dû reprendre la fiche d'Axel Courtain, accompagné de Tom Tomasson et de Lena-Rose Moreira.
Le premier était un homme dans la cinquantaine, un vieux de la vieille qu'on disait susceptible de bientôt passer premier classe. La seconde était une novice, régulatrice de  troisième classe pour qui ce n'était là que sa quatrième mission. Lorsqu'ils campèrent dans les ruines irradiées de la grande mer et que David vit Lena-Rose sortir un chapelet et réciter quelques versets de l'évangile atomiste, il comprit ce que cette bleue faisait là : peut être que par superstition, la guilde avait cru prudent d'envoyer une croyante pénétrer le royaume d'Atome afin d'assurer leur arrivée à bon port...
Il y a 5 jours, ils étaient sortis des ruines de la Capitale en suivant les rives de la Seine, puis aux portes de la grande mer ils avaient bifurqué pour entrer dans l'épaisse brume irradiée. L'endroit était lugubre, totalement dévasté, et lorsque le brouillard s'épaississait on ne voyait plus à un mètre. Il y avait alors de quoi devenir parano, entouré de bruits étranges dont on ne pouvait qu'imaginer la provenance. La guilde leur avait fournit tout le matériel pour leur voyage, des provisions et des munitions, mais surtout des masques à gaz afin de filtrer l'air contaminé des Abîmes et plusieurs rad-X pour supporter les radiations.
Tous les trois furent rassurés lorsqu'ils réussirent à trouver la vieille voie de chemin de fer. Au bout se trouvait Nécrotopia et il ne suffisait plus qu'à suivre la route pour atteindre la ville.

[+20 radiations]

* * *

La brume radioactive se dissipa pour laisser apparaître les murailles de la cité des goules.
« Qui va là ?! » invectiva une voix enrouée lorsqu'elle aperçut les trois régulateurs approcher.
C'était évidemment une goule, logée au sommet d'un mirador elle pointait un fusil vers les intrus. Tomasson fit un pas en avant, les mains en l'air.
« Nous sommes régulateurs, la guilde nous envoie pour votre problème. »
La goule baissa son arme et marmonna quelques mots inaudibles à une autre cachée derrière les murs. Après quelques instants silencieux, les portes s'ouvrirent sur trois autres goules bien armées. L'une d'elle, au centre, portait un vieux stetson délavé.
« Je me demandais si la guilde avait reçu mon message.
- Vous êtes Horace ? Celui qu'on appelle le Préfet ? Je me présente : Tom Tomasson, et voici Léna-Rose Moreira et David Sharon. La guilde nous envoie vous aider.
- Hum... je ne vous connais pas. John Renaud n'était pas disponible pour venir voir son vieil ami ?
- Hélas John a prit sa retraite. »
Si le Préfet ne connaissait pas les trois régulateurs, ces derniers n'étaient pas sans connaître Horace, ancien régulateur de première classe, une légende de la guilde, certainement la goule la plus redoutée des terres désolées.
« Entrez. Nous avons à parler. »
Ils entrèrent dans le "cimetière". A travers le brouillard, on pouvait distinguer les épaves des wagons qui servaient d'habitations et quelques goules qui traînaient. Avec la goulophobie montante dans le reste des terres désolées, Nécrotopia avait vu sa population grossir, devenant un eldorado pour les goules subissant les discriminations.
« Je ne vous demande pas si vous avez fait bon voyage, il est rarement plaisant de venir jusqu'ici. Je suis étonné que la guilde n'ait pas envoyé de goules. Il n'y en a plus ? Les régulateurs sont devenus goulophobes eux aussi ?
- Du tout, nous venons en aide à ceux qui en ont besoin, goule, mutant ou je ne sais quoi. Il n'y avait que nous de disponibles, précisa Tomasson.
- Ou d'assez fous pour venir ici ? »
Le Préfet guida les régulateurs vers son bureau situé au rez-de-chaussée de l'un des bâtiments près des portes. C'était un endroit cosy avec un large ventilateur au plafond qui surplombait un grand bureau. Accrochée au mur du fond, une vieille horloge cassée indiquée 15h47. Le brouillard radioactif était beaucoup moins dense ici.
« Vous pouvez retirer vos masques, nous avons des purificateurs d'airs. »
Le Préfet s'assit et convia ses invités à faire de même en face de lui. Derrière lui, son adjoint resta debout, son fusil bien en vue.
« La guilde a dû vous transmettre mon message.
- Il était un peu obscur pour tout dire, un problème de disparitions c'est ça ?
- Oui. En tant normal ça ne nous aurait pas inquiété, on ne peut pas dire que Nécrotopia soit située dans une zone très sûre, mais là... C'est déjà la cinquième depuis ces trois derniers mois. A chaque fois les victimes s'évaporent sans laisser de traces. Mais surtout, elles ont toutes un point commun : ce sont des humains.
- Il y a des humains ici ? Intervint Lena-Rose pour la première fois.
- Cela vous étonne ? Nécrotopia accueille tout le monde. Évidemment ce n'est pas un lieu agréable pour les humains, mais nous en avons quelques uns parmi nous. Et pour une ville de goules, que des humains disparaissent mystérieusement ça la fout mal...
- Des pistes ? demanda Tomasson.
- Quelques unes oui. Mais rien de bien tangible.
Évidemment on a tout de suite pensé à des bestioles. Peut être que l'une d'elle a une préférence pour la viande humaine à celle des goules... Mais généralement elles ne font pas la différence, au moins on peut leur reconnaître qu'elles ne font pas de discrimination là dessus contrairement aux restes des terres désolées... Et puis les victimes disparaissent sans laisser de trace, on aurait certainement retrouvé des traces de combat, des tâches de sang où je ne sais quoi, quelqu'un aurait bien vu ou entendu quelque chose.
Aussi ces derniers temps, on a aperçu quelques adeptes rôder dans le coin, vous savez les hurluberlus religieux là, ils ont leur sanctuaire à quelques kilomètres. J'ai été fouiné là bas mais je n'ai rien trouvé, et puis je ne peux pas me permettre de trop m'absenter de la ville, on a besoin de moi ici. Mais bon, ils n'ont jamais montré de signe d'hostilité et ça nous arrive de commercer avec eux de temps en temps. Ils sont toujours très aimables, je crois qu'ils apprécient les goules.
C'est à peu près tout.
- Y'a le vieux Alcide aussi, intervint l'adjoint dans le dos du Préfet.
- Oui mais non, il n'aurait jamais fait de mal à quelqu'un. Je refuse de croire qu'un de nos citoyens puissent être responsable.
- Mais ce n'est pas une piste à exclure, insista l'adjoint.
- Qui ? demanda Tomasson.
- Une vieille goule qu'on sait assez hostile envers les humains. »
Le Préfet ouvrit une boite devant lui et la tourna vers les trois régulateurs.
« Un cigare ?
- Non merci, lui répondit Léna-Rose alors que Tomasson se contenta de refuser d'un signe de la main.
- Et vous ? »

Grande mer des Abîmes.
Imaginez le pire endroit de la terre. Eh bien, c'est pire. Un des endroits les plus inhospitaliers de ces chères terres désolées de la capitale.
Saviez-vous que de nombreux régulateurs refusaient de s'y rendre ? On peut les comprendre. Clairement. Même bien préparé, tu pouvais finir avec des effets secondaires pendant plusieurs jours ou semaines... On ne déconne pas avec les radiations. Être HS, c'est perdre de l'argent.
David Sharon aimait ça l'argent. Coïncidence ? Qui peut le dire... ? En tout cas, comparé à d'autres, il n'avait pas refusé cette requête. Sa moto attendait au garage depuis bien trop long. Il fallait bien payer un jour ou l'autre... Autant que ce soit le plus tôt possible. 

Il n'était pas le seul régulateur qui avait décidé de braver les dangers de la mer des Abîmes : Tomasson et Moreira allaient être de la partie. Il connaissait bien mieux le premier. Enfin... Tomasson connaissait Jonas et donc par extension David. Ils avaient déjà participé à quelques missions de groupe ensemble. Il avait bien plus de bouteille que lui. Faut dire aussi que quand tu arrives à un certains âge en tant que régulateur, c'est que tu as une prédisposition à un certains talent : celui de ne pas crever.
Moreira était plus novice. Il avait dû la croiser une fois ou deux à la guilde. «Bonjour» et «Bon courage», quoi. Il n'avait pas vraiment d'avis sur elle... Néanmoins, si la guilde avait validé sa participation, c'est qu'elle devait largement faire l'affaire. D'un point de vue global, ce groupe semblait plutôt homogène. Sur le papier en tout cas. 

« Entrez. Nous avons à parler. »
David emboîta le pas aux autres et investit la ville aux côtes de ses coéquipiers.
Tomasson, comme on pouvait s'y attendre, prit la tête du groupe et commença à converser avec le préfet et ses acolytes.
David scruta un peu les alentours. Honnêtement, en dehors du sanctuaire, il n'y avait pas deux endroits comme celui-ci. C'était aussi bien impressionnant qu'angoissant pour le commun des mortels. Après, le commun des mortels venait rarement ici.

Le régulateur resta légèrement en retrait aux côtés de Lena-Rose.
« C'est ta première fois à Nécro ? Questionna le régulateur.
- Oui, c'est ma première fois. Je... Je ne voyais pas comme ça. C'est impressionnant. Une telle ville au milieu de nulle part. C'est, ouais, impressionnant.
- C'est clair. Sans toutes ces radiations, on pourrait presque dire qu'elle est accueillante. 
- Presque. »

Il était peu à l'aise avec son environnement. Loin d'être un préjugé sur ses habitants, il ne se sentait pas réellement à sa place au sein de la ville. Peut-être était-ce le but ?
Bien que Nécrotopia acceptait tout le monde, les goules devaient sans l'ombre d'un doute se sentir plus en sécurité entre-elles. 
Oublions l'angélisme; beaucoup de gens les détestait. 
Que ce soit à tort ou à raison, ce n'était pas au régulateur de juger. C'était seulement un fait.
Le duo rattrapa les quelques mètres qui s'étaient crées les suivirent jusqu'au bureau du préfet. 
Un moment de répit. Il pouvait enfin enlever son masque. Du bon air purifié. 
Il prit place.

 « Pareil. J'ai ce qu'il faut. Il se contenta d'un petit signe de tête en direction de la goule en sortant un paquet redapple d'une de ses poches.
En tout cas, la ville est toujours aussi impressionnante, préfet. Ma dernière visite remonte à trois ans, je crois bien. Des ribleurs s'en étaient pris à une de vos caravanes. J'étais venu avec mon mentor, Jonas Malraux, et quelques autres. J'espère que ça s'est arrangé depuis. »

Note à lui-même; demander à Elana une perfusion de radaway en rentrant..
Ou deux.

Le Préfet referma sa boite de cigare tout en fouillant dans sa mémoire.

« Ah oui, Jonas, comment va t-il ? Toujours en vie ce vieux briscard ? 
- Vous pouvez nous en dire plus sur les victimes ? demanda sans attendre Tomasson.
- Nous comptons 5 disparus sur ces 3 derniers mois comme je vous ai dit. Tous des humains. Mais mise à part ça, rien ne les relie, aucun ne se connaissait. En tout, 4 hommes et 1 femme, plutôt jeune, bien portant. Ils ont tous disparu en laissant leurs affaires sur place. Pas très prudent s'ils voulaient fuir dans les Abîmes.
Le dernier a disparu il y a 2 semaines, un certain Lambert je crois, un type plutôt discret. La veille de sa disparition il jouait aux cartes avec une goule appelée Fernand Napier, il pourrait peut être vous en dire plus. La compagne de l'avant dernier disparu est toujours en ville si jamais vous voulez lui parler. »
Tomasson regarda ses deux compagnons pour les questionner des yeux. Puis il se leva.
« Bon, dit-il, mettons nous au travail. »
Les deux autres régulateurs se levèrent à leur tour.
« N'oubliez pas de remettre votre masque en sortant, leur rappela le Préfet, et si vous en avez besoin nous avons un stock de rad-away à l'infirmerie. N'hésitez pas à passer voir notre médecin, c'est gratuit pour les nouveaux arrivants. Une sorte de cadeau de bienvenue. »
Tomasson le remercia d'un signe de tête. David passa devant.
« C'est la grande bête ! La grande bête immorale ! Elle les a prit ! »
A peine sortit qu'une vieille goule toute sèche agrippa la veste de David. Avant d'avoir le visage arraché par les radiations, ce devait être une femme comme le laissaient deviner sa robe bleue tâchée de sang et les quelques mèches de cheveux qui lui restaient sur le crâne. Même à travers son masque à gaz le régulateur pouvait sentir son odeur de cadavre.
« La bête les a prit ! Ils sont dans son antre ! »
L'adjoint du Préfet arracha la goule de David et la jeta au sol.
« Fout lui la paix vieille folle ! Ne faites pas attention à elle, c'est une vieille goule en voie de féralisation. Elle perd les boulons depuis un moment.
- De féralisation ? Elle va devenir sauvage ? s'inquiéta Léna-Rose, on ne devrait pas l'abattre de suite ?
- Léna s'il te plaît, ne dit pas n'importe quoi. lui répondit Tomasson, ça va David ? »
A part quelques tâches de sang sur son col laissées par la goule en décomposition, le régulateur n'avait rien. Léna-Rose s'approcha.
« Cette ville me met mal à l'aise, murmura t-elle à son collègue, être entouré de goules comme ça... surtout si les humains disparaissent...
- Bon, par où commençons nous ? » demanda Tomasson.
Plusieurs pistes étaient à explorer : interroger Alcide, Fernand Napier ou la compagne de l'avant dernier disparu ; Fouiller les affaires abandonnés des victimes ; Explorer les alentours à la recherche d'un nid de créatures ou bien partir au Sanctuaire enquêter sur les adeptes.
Peut être même que cette goule folle avait des choses à dire, qui sait ?

« Ce vieux radcochon ? Il nous enterrera tous. »

Davis n'eût le temps de ne poser qu'un pied en dehors du bureau qu'une goule vînt à sa rencontre. Et quelle rencontre ! Elle s'accrocha à lui en hurlant de nombreux propos confus.. En tout cas pour le régulateur. 

« Vous en faites pas. Le régulateur posa sa main sur l'épaule de l'adjoint. C'est rien. » lui assurant que tout allait bien. 
Elle n'était plus vraiment maîtresse de ses facultés mentales. Difficile de l'accabler plus.

Il reporta son regard sur Tomasson.


Les yeux de Léna-Rose s'allumèrent d'une lueur signifiant : tout sauf ça. Ouais, c'est vrai, elle n'était pas vraiment fan de la ville. 

D'accord. Mea Culpa. C'était une fausse alerte. Faut dire qu'avec l'autre conasse, il était un peur sur ses gardes maintenant. 
Faut dire qu'on avait affaires à un tout autre profil. Un profil plutôt rare dans le coin. Encore une fois, pas un préjugé... juste une constatation.

Il s'agissait même un d'un profil intéressant ! Enfin, à première vu... ou première parole plutôt. La goule en question était le fameux Fernand Napier dont le Préfet leur avait parlé un peu plus tôt. Pas besoin de le chercher. Un gain de temps non négligeable.

« Nous sommes trois régulateurs envoyés par la guilde. Je suis David Sharon. Voici Tom Tomasson et de Lena-Rose Moreira.
Vous semblez en savoir un peu plus sur ce dénommé Lambert. Pouvez-vous nous en dire un peu plus, monsieur Napier ? »

Le régulateur écouta attentivement les petites explications qu'on était en train de lui fournir. Il faut dire que les indices et informations étaient tellement pauvres, qu'ils ne pouvaient se permettre de faire la fine bouche.
Tout était bon à prendre. L'important. Le moins important. Il leur suffirait de trier un peu plus tard. David hochait à chaque nouvelle information, informant de manière indirecte son interlocuteur de l'intérêt de ses propos.
Bon. A boire et à manger comme on dit..

« Je vois » lâcha le régulateur.
Grâce à monsieur Napier, plusieurs faits furent porter à la connaissance du groupe envoyé par la guilde. C'était un début. Alcool et jeu d'argent... Ouais, c'était une bonne raison de disparition à cette époque dans les terres désolées de Paris.

De toutes façons, ça ne fait jamais bon ménage. Un coup à finir dans la Seine, une chance pour Lambert qu'elle soit si loin.
Le profil de l'homme commençait peu à peu à se dessiner. Ce qui serait utile pour la suite. Le Préfet leur avait annoncé que rien ne reliait les victimes.. Il n'avait sans doute pas toutes ces informations. Un ex membre de la Légion avec des soucis financiers. Mais surtout, venu seul.
Tout cela n'apportait pas forcément d'explications.. mais permettait, au moins, de lancer quelques pistes.

« Merci pour ces informations, monsieur Napier. La Guilde apprécie votre coopération, soyez en assuré.
- En effet. Ce témoignage nous sera sans doute utile pour la suite. Il va nous permettre d'essayer de relier les différents profils de victimes, surenchérit Tomasson, je l'espère, en tout cas...
- En tout cas, ça nous apporte un peu de lumière dans ce marasme... Lambert est un ancien membre de la Légion, un peu porté sur la bouteille. Ce qui explique, peut-être, qu'il n'en fasse plus partie aujourd'hui. Sa dette pourrait être une raison aggravante à sa disparition... Mais, je ne pense pas que toutes les victimes ont disparu à cause de ça. Enfin, ça nous empêche pas de gratter cette information.

Le régulateur essayait d'emboîter les différentes pièces du puzzle. Les informations étaient intéressantes pour se faire une idée du profil du fameux Lambert, mais sans lien avec les autres victimes à l'instant T, elles n'aidaient que peu le groupe. Certes, c'était seulement le début. Ils venaient d'arriver. Néanmoins, la situation se voulait assez frustrante.

- Je suis d'accord, David. Sans affirmation, je ne pense pas que cette raison pèse dans la balance... Une dette dont seul monsieur Napier est la victime, c'est un peu mince. Et je ne pense pas que vous passiez votre temps à jouer avec tous les humains qui pointe le bout de leur nez...
- Et.. David marqua l'arrêt.
- Ouais, emboîta directement Tomasson, Alcide. Son nom revient un peu trop souvent, et malheureusement pour lui, pas pour les bonnes raisons. 
- C'est notre première piste ?
- Oui. Allons lui poser des question. » 

Pour le moment, c'était l'heure de récolter des informations.. il était bien trop tôt pour faire des plans sur la comète.

« Vous pouvez nous dire où trouver cet Alcide? » demanda Tomasson à Fernand. La goule luminescente leur répondit qu'il l'avait aperçu dans le halle de gare, la salle principale du village où les habitants aimaient se réunir pour manger ou passer la journée.
Les trois régulateurs suivirent Fernand, mais arrivés sur place, aucune trace d'Alcide.
« Nous recherchons Alcide, l'avez-vous vu ? » demanda Tomasson à une goule qui lisait un vieux journal d'avant guerre daté du 21 octobre 2077. L'homme le dévisagea un instant, comme s'il essayait de deviner s'il s'agissait d'un humain ou d'une goule derrière le masque à gaz. Quand il comprit, il détourna les yeux, gêné. « Non non, je ne sais pas, » répondit-il avec sa voix caverneuse.
Tomasson n'insista pas.
« Hum... les habitants ont l'air de se méfier de nous, constata Léna-Rose.
- Alcide ? les interpella une autre goule portant une perruque blonde et un tailleur rose d'avant guerre, l'a déguerpie dés qu'vous êtes arrivées. On l'a plus r'vu d'puis. Doit s'terrer kek part. 
- Merci madame, lui répondit Tomasson en espérant que son sourire courtois pouvait se deviner derrière son masque, vous savez où il habite ? » demanda t-il à Fernand.
La goule acquiesça et conduisit les régulateurs devant le logement d'Alcide. C'était un ancien wagon de train un peu à l'écart du village. Les fenêtres étaient bâchées par des rideaux et les portes coulissantes fermées par une grosse chaîne attachées par un cadenas.
Léna-Rose s'apprêta à frapper à la porte avant que Tomasson ne la retienne.
« Inutile, il n'y a personne à l'intérieur. Au moins qu'il ait réussi on ne sait comment à fermer le cadenas de l'extérieur... »
La jeune régulatrice se sentit un peu bête, heureusement que son masque à gaz cachait ses expressions.
Le gros cadenas avait l'air rudimentaire, du genre facile à crocheter, et au pire les portes vieilles d'un siècle n'avaient pas l'air bien solides, mais entrer par effraction n'allait peut être pas plaire au propriétaire.
« Peut être que le Préfet a une clef ? » demanda Léna-Rose.
Au loin, Huguette, la goule folle, continuait de vociférer : « La grande bête ! La grande bête immonde » criait elle.

Spoiler:

Fermé. C'était fermé. Pas étonnant. 
Si la piste de Fernand était la bonne, et que le dénommé Alcide avait bel et bien quelque chose à se reprocher, tout cela faisait sens. Ils n'étaient qu'au début de leurs investigations mais le comportement de la vieille goule n'aidait pas à le laver des soupçons qui commençaient à se porter sur sa personne. Tout cela ne faisait pas de lui le coupable, évidemment. Néanmoins, il cachait bien quelque chose.. et peu importe cette chose, ils finiraient par savoir.
« Putain. On le rate pas de beaucoup... murmura David en tirant le cadenas qui retenait fermement les portes du wagon, fait chier.. » Il ne pu s'empêcher de mettre un coup de pied dans celles-ci.
Les régulateurs, bien qu'utiles au désordre des terres désolées de la capitale, n'avaient pas tous les droits. Pour beaucoup, ils ne représentaient rien.. et ce n'est pas les mandats jugés "officiels" par la république qui changeaient quoi que ce soit. Si pour les gens la Citadelle ne signifiait rien, pourquoi la guilde vaudrait plus ?
« 'Doit pas être loin, le con... Répondit Tomasson. Il scruta les alentours. Pas sûr qu'ils auraient plus d'informations ou d'aide de la part des habitants du coin. Ce n'est pas une surprise comme l'a dit Fernand.. Les préjugés ont la dent dure. Ouais, allons voir le Préfet. "Oui mais non, il n'aurait jamais fait de mal à quelqu'un", qu'il disait. Il ne connait pas très bien ses administrés faut croire. 
- Ouep. Sur ce coup, zéro pointé. » Surenchérit David.
Bon. Beh chemin inverse.
En voilà une perte de temps et d'énergie. 
Il ne restait plus qu'au trio qu'à retourner au bureau du Préfet, histoire d'en savoir plus pour leur requête. Il risquait d'être surpris. C'est à ce moment que Fernand s'éloigna un peu. Huguette, la goule tcharbée de toute à l'heure était de retour.
Leur nouvel ami avait décidé d'aller lui parler. Pour le coup, David ne savait pas réellement si c'était plus par gentillesse ou pour passer un peu le temps. 
David était quand même piqué dans sa curiosité.
Cette goule, ressemblait à un McGuffin.. Elle faisait partie du décor et personne n'en avait rien à foutre. On continuait de la traiter de folle. D'accord, pour sûr elle l'était un peu.. mais qui ne l'ai pas un peu, hein ? Le régulateur commença à s'avancer vers elle et Fernand. D'un léger mouvement de tête, il invita ses compagnons à le suivre.
« Bonjour à nouveau.. madame Huguette ? Vous vous souvenez de moi.. ? Nous nous sommes vus, tout à l'heure, il marqua un léger temps d'arrêt en jetant un furtif regard Tom et Léna-Rose, mes amis et moi-même ne sommes pas d'ici. Vous voudriez bien nous en dire plus au sujet de cette bête, si c'est possible ? »
Qui ne tente rien n'a rien. Peut-être qu'elle était bien complètement tarée, c'est vrai. Néanmoins, dans le cas contraire.. ils passeraient à côté de possibles indices très importants.
Alcide s'était fait la malle, ils pouvaient se permettre d'aller chez le Préfet dans cinq petites minutes.

Fernand approcha le premier de la vieille goule folle. Elle s'arrêta nette quand il lui adressa la parole, le regard mauvais. Puis elle pointa Fernand du doigt :
- C'est toi la grande bête ! C'est toi ! hurla t-elle, elle va les emmener dans son antre ! La grande bête immonde nous mangera tous !!
Puis elle s'arracha une mèche de cheveux et la porta à sa bouche, la mastiquant comme un cheval mangeant du foin.
David approcha, Tomasson et Léna-Rose restant en arrière, cette dernière visiblement peu rassurée d'être à proximité de cette goule à moitié folle.
- Vous voudriez bien nous en dire plus au sujet de cette bête, si c'est possible ? lui demanda David.
La goule desséchée resta silencieuse un instant, regardant à droite et à gauche, puis elle s'approcha du régulateur pour lui murmurer :
- Verte, de grandes dents la bouche fermée, les yeux mi-clos comme une bille, deux arc de cercles entourant la table comme un cintre, c'est le bébé de Dieu ! C'est le bébé de Dieu ! Répéta t-elle en criant avant de se jeter au sol pour gesticuler dans la terre.
- Arrête de draguer David, tu vois bien que cette goule est folle, inutile de perdre notre temps avec ça, dit Tomasson dont on pouvait percevoir à travers son masque le regard blasé devant ce triste spectacle. Sans attendre, le régulateur se rendit au bureau du Préfet, suivit par Léna-Rose qui s'empressa de partir loin de cette goule folle.
Huguette resta ainsi à se rouler par terre et à crier « la grande bête ! Elle nous mangera tous ! ». Rien de cohérent ne sortait de cette goule bientôt sauvage.
Dans son bureau, Préfet discutait avec son adjoint. Les régulateurs entrèrent et retirèrent leurs masques.
- Horace, nous aimerions parler à ce Alcide mais il est introuvable. Sa maison est fermée par un cadenas, vous auriez la clef ?
- Qu'est ce que vous lui voulez à Alcide ? Il n'a rien à voir dans votre enquête. lui répondit le Préfet, quelque peu agacé.

Evidemment. Evidemment...
Tout n'était pas simple. Non, rien ne l'était plutôt. Le Préfet ne semblait pas vraiment enclin à coopérer. Bon, l'entièreté de la ville ne semblait pas tellement enclin à coopérer. Entre une vieille folle qui hurle de sombres propos incohérents, des gens qui détournent le regard.. et maintenant ça.

« Je dois vous mettre en garde sur les conséquences de votre décision. Si vous choisissez de protéger le suspect de ces crimes, vous risquez de plonger toute la ville dans une situation chaotique. Notre seule option, dans ce cas, et de rentrer et de vous signaler auprès de la Guilde et par extension de la Septième. La ville sera placée sur liste rouge au même titre que les territoires ribleurs. Nous ne pourrez plus avoir affaires avec nos services. Vous subirez également un embargo commercial : plus d'aides, plus d'échanges. De plus, que ce passera t'il quand les gens seront au courant ? Vous savez bien que tout fini par se savoir, Préfet. Agressions ? Meurtres ? Pensez à toutes les goules qui ne pourront rejoindre Nécrotopia ? Vous allez être perçu comme une menace pour beaucoup.. Vous savez bien que l'opinion de beaucoup n'est pas en votre faveur. Ne gâchez pas tout ce que vous avez construit. Est-ce qu'une seule personne, peu importe votre opinion sur celle-ci, vaut tout cela ? Vous êtes l'espoir pour beaucoup.. ne devenez pas celui qui les entrainera vers leur chute. Soyez du bon côté de l'histoire. »

David jeta un coup d'œil à l'adjoint du Préfet. Il était le premier à leur avoir parlé d'Alcide. Si le chef de Nécrotopia ne voulait pas entendre ce que les régulateurs avaient à dire, peut-être que son adjoint serait d'un plus gros poids.

« Vous avez été le premier à évoquer le nom d'Alcide quand nous sommes arrivés... spontanément. Peut-être que votre chef vous écoutera. Nous ne sommes pas là en tant qu'ennemi. Nous faisons notre travail. Comme vous faites le vôtre. Nous ne cherchons pas l'opposition.. seulement la vérité. »
David n'avait plus rien à dire. Si le Préfet ne comptait pas coopérer. Ils pourraient rien en faire. Leur missions s'achèverait donc ici.

Le Préfet resta stoïque, son adjoint un peu inquiet de sa réaction face au monologue de David.

- Mais qu'est ce que tu racontes toi ? Tu sais où tu te trouves ? répondit finalement le Préfet, on est déjà sur liste rouge ici. Des aides ? Des échanges ? Mais tu as déjà vu un légionnaire dans les Abîmes ? La Septième n'a aucun pouvoir ici et c'est justement pour ça qu'on est installé là. Et je te rappelle que je suis régulateur de première classe mon gars, alors tes menaces tu peux te les mettre au cul. Si je te renvois à la capitale en disant que tu as insulté les habitants de cette cité en accusant à tort et à travers c'est toi qui va avoir des problèmes.
Je sais très bien que la réputation de la ville va en partir de ces disparitions, c'est justement pour ça que vous êtes là. Mais je ne pensais pas que la guilde allait m'envoyer des rigolos...

L'atmosphère s'était subitement tendue, le Préfet ne lâchant pas David des yeux, le regard mauvais, l'adjoint, Tomasson et Léna-Rose quelque peu gênés.

- David, essaya de tempérer Tomasson, pour le moment ce Alcide n'a commit aucun crime et nous ne l’accusons de rien. Nous voulons simplement lui parler car monsieur Napier nous a dit l'avoir vu se disputer avec Lambert la veille de sa disparition.
- Écoutez, reprit calmement le Préfet, je connais Alcide, je sais qu'il peut être virulent avec les humains et il a de bonnes raisons de l'être, mais il ne serait pas capable de s'en prendre à quelqu'un.
- Et pourquoi a t-il fuit quand on est arrivé ? Demanda Léna-Rose sur un ton accusateur.
- Et vous êtes bien sûr qu'il a fuit ? lui répondit le Préfet. Il n'a pas dû partir bien loin, on ne peut pas dire qu'il y beaucoup d'endroits où allait dans les environs de Nécrotopia. Attendez qu'il revienne et il vous ouvrira lui même la porte de sa maison.

Ferdinand prit la parole juste quelques instants plus tard. David l'écouta attentivement sans sourciller.. honnêtement, il ne pouvait pas se le permettre. Il n'avait pas vraiment tord dans ses propos.. Même si, pour l'instant tous les soupçons se tournaient vers quelqu'un. Ce n'était peut-être que le début, mais son attitude était plus que louche. 'Fin, peu importe, ce n'est pas le moment de faire des plans sur la comète. Il connaissait la ville et même si David ne pensait pas vraiment que la vieille goule avait quoi que ce soit à voir dans tout ça, son point de vue et son expertise pourraient et seraient sans doute très utile pour creuser le flou ambiant.
Sur le coup, le régulateur n'osa pas prendre la parole ou répondre. Il se contenta de lui jeter son briquet. Tomasson se chargerait de la suite.

- Hum... peut être avez vous raison, répondit Tomasson sans être totalement convaincu.
Puis Fernand Napier intervint. Cette fois on l'écouta.
A l’extérieur le brouillard radioactif de la grande mer estompait un peu la brillance de la goule, mais à l'intérieur il éblouissait d'une lueur verdâtre, si bien que Léna- Rose avait bien dû mal à le regarder. Ou bien c'était parce qu'il était trop laid à voir.
- Oui vous marquez un point, lui répliqua Tomasson, ce Alcide n'est peut être pas une priorité dans notre enquête. Attendons qu'il revienne pour l'interroger. Excusez-nous pour le dérangement Horace.
Tomasson fit un signe de tête en respect, puis remit son masque à gaz, suivit par Lena-Rose et David. Ils ressortirent. Bien que radioactive et mortelle, l'ambiance extérieure était moins pesante qu'à l'intérieur du bureau du préfet.
- Bon, dit Lena-Rose après un silence un peu gênant, c'était tendu, bravo David. Évitons de nous mettre toute la ville à dos. Déjà que ces goules sont toutes un peu hostiles.
- Je ne pense pas que ce soit de l'hostilité, intervint Tomasson sans en rajouter plus sur les paroles maladroites de David, ces goules sont venus vivre ici pour fuir les persécutions des humains. Je comprends qu'elles n'apprécient pas que trois humains arrivant de la capitale viennent leur poser des questions. C'est juste de la méfiance. Il nous manque une goule dans l'équipe, la guilde aurait dû en envoyer une avec nous.
Tomasson réfléchit un instant, puis il se tourna vers Fernand Napier.
- Fernand, c'est bien ça ? Vous avez l'air de connaître un peu la ville, sans en faire parti ce qui vous rend impartial dans cette histoire. Voulez-vous bien nous aider dans notre enquête ? Je pense que vos congénères apprécieraient votre présence si nous devons les interroger.
Qu'est ce que vous suggérez ? Vous pensez vraiment que la vieille goule a encore des choses à nous dire ?
- Peut être que vous pouvez retourner voir le Préfet pour obtenir la clef de chez Alcide, lui proposa Lena-Rose, je suis sûr qu'il sera plus enclin à vous la donner qu'à nous.
- Ou peut être que nous devrions abandonner cette piste pour le moment non ? Lui répondit sèchement Tomosson.

- Oui c'est une bonne idée, confirma Tomasson, le Préfet nous a parlé de la compagne du précédent disparu. Pour le coup il s'agit d'une humaine, votre aide monsieur Napier ne va pas nous être utile ici.
Il réfléchit un instant.
- Je propose qu'on se sépare. David et Léna-Rose, allez interroger la compagne. Tâche de faire preuve de plus de tact David, s'il te plaît. Pendant ce temps, moi et monsieur Napier nous allons fouiller les affaires de Lambert et interroger quelques goules sur les précédents disparus.
Pour cela, il fallait se rendre de nouveau dans le hall de gare, la grande salle commune où les goules se retrouvaient. Assurément qu'ils allaient pouvoir en tirer quelques informations.
Pour le moment, tout ce qu'ils savaient c'était ce que leur avait dit le Préfet : 4 hommes et 1 femme avaient disparu ces trois derniers mois, tous humains, plutôt jeunes et bien portant. Le dernier, Lambert, déserteur de la Légion. Il fallait creuser un peu plus le profil de chacun pour savoir si des liens les unissaient.
En ce qui concerne la compagne du précédent disparu, en demandant à un habitant de Nécrotopia on pouvait facilement apprendre qu'elle s'était reclus dans un des wagons qui servait d'habitation et qu'elle n'en sortait que rarement.

- Ok, ça me va. On se sépare. De toute façon, on couvrira plus de place et d'indices. On va aller causer avec la compagne du disparu, peut-être qu'on apprendra deux-trois trucs sur place. Ils avaient bien besoin d'un peu d'informations. Au moins une piste... il n'en demandait pas beaucoup.
Le régulateur se contenta d'un salut de la main à Tom et Ferdinand et s'éloigna suivi par Léna dans ses pas. Au moins, la personne en question n'allait pas être très difficile à trouver. En tout cas, il espérait. 
« - C'était chaud. T'es allé beaucoup trop fort.. Ceci dit- Commença la jeune femme.
- Tu viens de voir le parfait exemple de ce que tu ne dois jamais faire. 
- T'sé, je l'aime pas vraiment ce Alcide, hein. Commenta Léna. Tomasson avait envie de me tuer quand j'ai demandé pour les clefs, je crois bien.
- Normal. Après ce que j'ai.. ouais, bref. Peu importe. Trouvons vite cette femme. Le régulateur voulait légèrement passer à autre chose.
- Tu penses qu'elle peut nous aider ? Demanda sa collègue.
- Qui sait ? On risque de s'en rendre vite compte de toute façon. J'espère juste qu'elle voudra bien répondre à quelques questions, ceci dit. 
Rien ne de dit qu'elle sera en état de le faire... » David haussa les épaules. 
Peu importe, pas besoin de commencer à tergiverser. Ils verraient bien. La suite logique voudrait d'être "bien" reçu.. mais comme mentionné, elle n'était peut-être pas en état de discuter de tout cela. Les gens sont différents. Ce qu'ils peuvent supporter aussi. Néanmoins, peut-être que la vue de personnes "non-goules" aiderait.
Ce ville était un vilain labyrinthe. Sans compter la purée de poids extérieur. On aurait dit un fumoir géant. Pas le mieux pour se repérer.
Rien de bien insurmontable. Quelques capsules suffirent pour qu'un enfant goule qui traînait dans le coin leur montre précisément le bon wagon. Il en profita pour rajouter que la dame ne "sortait pas beaucoup".. et qu'elle avait "l'air d'être très triste".. Bon, en tout cas, c'est plus ou moins le portrait qu'on leur avait dressé de cette femme.

Ils arrivèrent devant le wagon que leur avait indiqué la jeune goule. Léna-Rose, trop timide ou méfiante, laissa David frapper à la porte.
Ils virent un rideau se lever, puis après quelques temps d'hésitation, la porte s’entrouvrit, juste assez pour laissé passer un œil visiblement humain.
- Qu'est ce que vous voulez ? Demanda l’œil sur un ton agressif.
- Madame, lui répondit Léna-Rose, plus à l'aise avec les humains qu'avec les goules, nous sommes des régulateurs venus enquêter sur les disparitions dans la ville. Nous aimerions vous parler de votre compagnon.
L'oeil hésita un instant, puis il ouvrit la porte pour révéler le reste de son visage.
- Entrez.
C'était une jeune femme plutôt grande, amaigris et la peau rougie par les radiations. Elle était habillée d'un manteau en cuir de brahmine mal foutu maintenu par des cordelettes et des agrafes et portait autour du cou un pendentif terminé par une croix entremêlée de symboles circulaires.
La femme posa son fusil - que les deux régulateurs n'avaient pu distinguer à travers la porte entrouverte - sur une table de son wagon aménagé à côté d'un masque à gaz qu'elle ne prenait plus la peine de mettre. Son logement était sommaire : un vieux matelas crasseux, une table et quelques chaises, le sol jonché de détritus, de boites de conserve, de restes de repas, de bouteilles d'alcool et d'eau croupis. Un grand tapis bariolé accroché à un mur servait d'unique décoration. Au centre, pendait négligemment une ampoule, seule source de lumière.
- Vous êtes humain ? Vous voulez bien retirer vos masques que je vois vos visages ? Demanda t-elle.
La brume était ici moins épaisse, les fenêtres bien calfeutrées pour empêcher le brouillard radioactif d'entrée, mais le wagon ne disposait pas de purificateur d'air comme dans le bureau du Préfet.

Voilà un beau spectacle. Après tout, David ne s'attendait pas vraiment à autre chose.
Venir à Nécrotopia était déjà une épreuve, et pas une simple de surcroit. Perdre son compagnon et se retrouver seule dans un endroit inconnu et franchement inhospitalier pour elle... pas étonnant qu'elle soit dans cette état. Même si en l'état, cela aurait pu être pire.
'Fin, elle semblait bien à bout. Les régulateurs échangèrent un regard rapide.
- Evidemment m'dame. David se contenta de ces quelques mots. Il se voulait rassurant. Derrière leurs masques, ils auraient pu être des goules.. c'est vrai. Leur voix était beaucoup plus rauque et sonnait bien moins humaine que sans.
Une premier pas. Les deux régulateurs placèrent leur équipement sous le bras.
Je m'appelle David et voici Léna-Rose. Il désigna sa collègue par un léger mouvement de main. Comme mentionné plus tôt, nous avons été envoyé par la Guilde pour enquêter sur les différentes disparations survenues un peu plus tôt et dont votre compagnon semblerait faire partie. 
David en profita pour regarder autour de lui. Le wagon était dans un sacré état. Comme si elle l'avait bunkérisé. Elle ne devait pas beaucoup sortir. L'odeur était un mélange de moisi, d'humidité et de transpiration. Une odeur bien agressive. Comme quoi, d'un point de vue olfactif, ils ne seraient pas épargnés. Sur le coup, David aurait préféré garder son masque..
Peut-être qu'elle était encore plus mal qu'il pensait. Honnêtement, il ne lui avait pas encore parlé que son état physique en disait long sur son état psychologique.
Nous sommes arrivés un peu plus tôt en ville..., commença le régulateur.
Après avoir discuté avec les, comment dire.. les officiels, nous avons décidé de venir vous voir pour discuter un peu, si vous le voulez bien ? Je sais que c'est un moment compliqué pour vous. Nous sommes ici pour faire la maximum.
Et pour se faire, nous aimerions discuter un peu de ces derniers jours. Que vous nous racontiez le maximum d'éléments que vous considéreriez comme importants. Si des choses ont retenu votre attention ? Des choses inhabituels ? Des choses dont vous aurez fait part votre compagnon ? 
David attrapa un carnet et un stylo dans une des nombreuses poches de son manteau histoire de garder une trace écrite de l'échange. De plus, ce serait plus simple pour faire le topo plus tard avec Tom et Ferdinand, en espérant que l'un dans l'autre, le second duo réussisse à récolter quelques éléments.

L'intérieur sentait mauvais, mais pas l'odeur de goules qu'on pouvait retrouver dans le hall de gare ou le bureau du préfet, ici c'était une odeur bien humaine, des remugles macérés depuis plusieurs semaines.
- Quel plaisir de voir enfin des visages humains ! dit-elle tout sourire avant de reprendre une expression plus grave pour répondre aux questions des régulateurs. Des choses inhabituelles ? Il n'y a que ça ici ! Ces goules...
Nous pensions être en sécurité ici, avec Eric. Nous avions quelques dettes de jeu à Terminus, ici ils n'allaient pas nous suivre. Et puis... il a disparu. Du jour au lendemain, en laissant toutes ses affaires. Jamais il ne serait parti sans moi, on l'a enlevé ! C'est ces goules... j'en suis sûre... elles font les hypocrites mais elles détestent les humains. Elles les enlèvent pour les dévorer ! J'en ai même vu une qui brillait, c'est normal ça ?
Sa colère laissa place à la tristesse.
- J'aurais voulu partir d'ici... mais maintenant sans Eric je suis bloquée, impossible de traverser la grande mer seule. On m'a dit que les moines du Sanctuaire venaient faire du commerce ici, j'aurai pu partir avec eux, mais ils ne sont pas venus depuis longtemps...

Pendant ce temps, dans un autre wagon, Fernand Napier et Tomasson fouillaient les affaires de Lambert.
- Je ne pense pas que sa disparition ai un lien avec sa désertion, répondit Tomasson à la goule luminescente, je vois mal la Légion venir jusqu'ici juste pour ça.
Vous pensez que nous pouvons accorder du crédit à cette Huguette ? Personnellement je ne vois aucune cohérence dans ses paroles.
Dans le wagon autrefois occupé par Lambert, ils trouvèrent un sac de voyage. A l'intérieur, des vêtements et du nécessaire de survie, un pistolet "Plamac" de la Légion, certainement son arme de service qu'il avait emporté avec lui dans sa fuite, une photographie de Lambert avec une femme et un enfant, ainsi que 10 capsules. Rien de plus intéressant.
- Je devrais peut être prendre l'arme pour la rendre aux autorités de la Septième, dit Tomasson, normalement on ne peut se balader avec ça sans un permis. Vous voulez les capsules ? J'ai cru comprendre que ce Lambert vous devez de l'argent.