+10 capsules

- Je crois qu'on ne trouvera rien de plus ici, finit par dire Tomasson qui voyait Fernand insister. Peut être devrions nous allez interroger quelques uns de vos compatriotes. Au moins, nous avons une photo du disparu maintenant. Vous pensez qu'il s'agit de sa femme et de son enfant avec lui ?
Fernand et Tomasson sortirent du wagon pour se diriger vers la hall de gare, là où l'on pouvait trouver des témoins à interroger.
Avant la Grande Guerre, c'était une petite gare locale construite dans un style art déco propre  aux années 2050. La grande salle, très haute de plafond, arborait encore fièrement sur l'un de ses murs un drapeau du Commonwealth Européen, alors que sur un autre un grand panneau affichait les heures d'arrivée de trains qui n'arriveront jamais. La grosse horloge centrale indiquait toujours la même heure : 15h47. De grandes vitres en carreaux laissaient passer quelques rayons de lumières qui parvenaient à se frayer un chemin à travers le brouillard radioactif. Celui-ci plongeant constamment la ville des goules dans une certaine pénombre, il était difficile de connaître l'heure précise, mais à ce moment de la journée la plupart des goules étaient chez elles. Restaient dans le grand hall une dizaine d'individus dont certains que Fernand Napier avait pu apprendre à connaître un peu lors de son séjour.
Il y avait toujours la goule lisant son vieux journal d'avant guerre daté du 21 octobre 2077 et celle en tailleur rose qui avait indiqué la maison d'Alcide aux régulateurs quelques temps plus tôt. Charles et Daisy, Fernand Napier connaissait leurs prénoms.
Il repéra aussi Claudie qui tenait le bar de la gare, avec qui Fernand avait déjà discuté. Remarquant sa croix autour du cou, il avait apprit qu'elle était religieuse, une fervente croyante d'Atome.
Il retrouva aussi quelques uns de ses partenaires de jeu : Bergamotte, un ancien ribleur repenti, Joséphine, une goule d'avant guerre, ancienne chanteuse de cabaret qui avait perdu sa voix en même temps que son visage, et Marc von Dale, une goule venue d'au delà de la grande mer des Abîmes, à l'Est, et qui restait bien mystérieuse.
Peut être que Lambert leur devait aussi de l'argent à eux, c'était loin d'être le meilleur joueur de carte que  Fernand avait affronté, un pigeon plutôt facile à plumer.
- Je vous laisse passer devant monsieur Napier, ces goules seront plus à l'aise à discuter avec vous je pense. Vous voulez que je reste en retrait ? demanda le régulateur.

S'ils connaissaient l'identité du dernier disparu et que David et Léna-Rose de leur côté enquêtaient sur celle de l'avant-dernier, le profil des 3 autres leur restait inconnu.

Pour le coup, elle semblait vraiment mal. Enfin, il semblerait que voir deux visages "humains" lui apportait un peu de réconfort. Faut croire que c'est tout ce qu'il lui restait maintenant. En même temps, vu ce qui s'était passé, ce n'était plus de la malchance.. c'était carrément le sort qui s'acharne comme dirait l'autre. Elle devait avoir un très mauvais karma pour que ça se termine ainsi. M'enfin, ce n'était pas tellement le souci des régulateurs. Après tout, ils ne faisait qu'office de mercenaires. Certes, des gentils mercenaires prêt à défendre la veuve et l'orphelin.. mais des mercenaires tout de même. David se concentra pour écouter les quelques explications de la jeune femme. Elle semblait avoir une dent contre les goules dorénavant, pas étonnant. Au final pas grand chose, quoi que... Un détail intrigua le régulateur.
- Des dettes de jeu ? Vous pouvez m'en dire plus... Il posa sa question calmement à l'intéressée, espérant une répondre. Léna, ça ne te rappelle rien ? 
Il s'adressa à sa comparse. Ce n'était pas la première fois qu'une information de ce genre leur parvenait aux oreilles aujourd'hui. Sur le moment, aucun des deux ne pouvait affirmer quoique ce soit, néanmoins, peut-être qu'ils s'avançaient un peu ? Rien n'était sûr, mais cela pouvait être le débit d'une piste. 
De plus, Tomasson et Napier avaient peut-être de nouvelles informations eux-aussi. Des pièces de puzzle éparpillées mais qui, une fois ensembles, pourraient donner quelque chose. Bout par bout, ils arriveraient peut-être à comprendre un peu mieux tout de ce foutoir. S'adressant de nouveau à la jeune femme, il attrapa une bouteille d'eau et lui tendit.
- M'dame. Quoi qu'il en soit. Une fois que toute cette affaire sera réglée, on vous laissera la possibilité de rentrer avec nous si vous ne souhaitez pas rester ici.
Honnêtement, rien ne les obligeait à faire ça. David était peut-être trop gentil ? Ce qui était sûr, c'est qu'il ne se faisait pas beaucoup d'illusion sur le sort du disparu. Et si cela était bel et bien le cas, il serait malvenue voir peu empathique de laisser cette pauvre femme croupir ici. Si les radiations ne finissaient pas par la tuer, c'est presque sûr qu'elle se flinguerait en un temps record. Autant éviter ça.

Fernand attira l'attention des goules dans le grand halle, mais personne ne répondit à son appel.
Charles se contenta de remettre le nez dans son journal. Les autres détournèrent le regard.
Personne n'avait l'envie de discuter de ces disparitions qui inquiétaient tout le monde depuis maintenant trop longtemps.
Claudie, la goule du bar, fit signe à Fernand d'approcher.
- Alors mon chou, on travaille pour les régulateurs maintenant ? Pas grand succès ton appel à témoin, dit-elle dans un large sourire qui révéla ses dents pourries. Je te sers comme d'habitude ? Et ton ami le peau lisse, qu'est ce qu'il prendra ?
Tomasson retira son masque à gaz et s'assit au comptoir.
- Je vois que vous avez une vieille bouteille de whisky. Je vais vous en prendre un verre s'il vous plaît. Rangez vos capsules monsieur Napier, je vous invite.
Le régulateur sorti une bourse de sa poche avec plusieurs capsules et quelques francs pendant que Claudie servait les boissons.
- Vous devez voir passer beaucoup de monde derrière votre bar, lui demanda Tomasson, que pouvez vous nous dire sur les disparus ?
Claudie resta silencieuse un instant, rangea la bouteille de whisky puis resta pensive avant de répondre :
-  Vous savez ce que c'est la mémoire d'une goule ? C'est un peu flou dans mon souvenir. Surtout que ces humains ont tendance à tous se ressembler... sauf votre respect monsieur le régulateur. Je me souviens de la fille, Léa, ou Laura peut être, à moins que c'était Charlotte... je ne sais plus. Une jeune, plutôt sympathique, mais avec un air triste. Une esclave en fuite avec son petit frère, mais le gamin est mort sur la route... Les autres je n'ai qu'un bref souvenir. Je me souviens d'un Eric qui jouait souvent aux cartes avec les autres. Et puis Lambert, le dernier a avoir disparu. Vous avez essayé d'interroger Alcide ? Je l'ai entendu le menacer la veille de sa disparition. Si vous voulez un responsable, je pense qu'il est tout trouvé. Il est connu pour avoir une haine des humains. Ce que je peux comprendre, ils lui ont tué sa femme quand même...


Pendant ce temps, non pas à Vera-Cruz mais non loin d'ici, David et Lena-Rose continuaient d'interroger la compagne de l'avant-dernière victime.
- Des dettes de jeu ? Léna, ça ne te rappelle rien ?
La jeune régulatrice réfléchit un instant.
- Hum... non. Je ne vois pas où tu veux en venir.
Il faut dire qu'elle était un peu sotte aussi. Était-elle vraiment faite pour ce métier ?
- Vous savez ce que c'est Terminus... nous avions l'habitude de jouer avec Eric au Wagon Rouge. Et puis on a pas eu de chance... On devait de l'argent à la Famille et on rigole pas avec ces types. Comment on pouvait trouver 2000 capsules avec nos revenus de récupérateurs ? On a préféré partir. Partir dans un endroit où on allait jamais venir nous chercher... et puis ces goules...
- M'dame. Quoi qu'il en soit. Une fois que toute cette affaire sera réglée, on vous laissera la possibilité de rentrer avec nous si vous ne souhaitez pas rester ici.
- A ça non je ne veux pas rester ici ! Mais je ne peux pas rentrer non plus... si on me retrouve...
Non, j'aimerais aller au Sanctuaire. Si vous vous y rendez, je pourrais vous accompagner ?

- Je ne peux pas trop me prononcer sur ce Alcide avant de l'avoir interrogé, répondit Tomasson face au regard insistant de Fernand, mais son nom revient souvent depuis qu'on est là. J'aurais aimé pouvoir lui poser quelques questions, ou bien inspecter son logement. C'est quand même étrange qu'il ait disparu à notre arrivée.
- Alcide était marié, continua Claudie, bien avant la guerre et tout ça. Ils sont devenus goules tous les deux à la chute des bombes. Je connais pas trop les détails, mais je sais que sa femme s'est faite tuée par des soldats de la Septième. Depuis il leur voue une haine terrible. Quand il a apprit que ce Lambert en faisait parti, il a piqué une colère.
Et puis tu sais, après quelques verres, même le plus grand des soldats et facilement maîtrisable. J'en ai vu des plus costauds se faire mettre au sol par plus petit que soi.
- Vous ne savez pas où il a pu disparaître ? interrogea Tomasson.
- Hum... il n'y a pas vraiment d'endroit où l'on peut disparaître comme ça à Nécrotopia. Je ne sais pas où il a pu passer.
- Qu'est ce que vous en pensez monsieur Napier ? Demanda Tomasson en se tournant vers Fernand, vous pensez toujours que ce Alcide est sans rapport avec notre enquête ?

- Pas de soucis mon chou, répondit la vieille goule, tu repasses quand tu veux !
Tomasson finit son verre d'une traite.
- Ça me va monsieur Napier, faisons comme ça ! Dit-il en se levant. Mais vous comme le Préfet avaient l'air bien certains de l'innocence de ce Alcide. Pourquoi donc ? Vous avez peut être raison sur les autres disparitions, mais en ce qui concerne Lambert, Alcide aurait eu toutes les raisons de s'en prendre à lui. Si la Légion a tué sa femme il aurait pu vouloir se venger sur un de leur membre, déserteur ou pas.
Bon, par où voulez-vous commencer les recherches ?
Cela faisait plusieurs semaines que Fernand logeait à Nécrotopia, la ville n'était pas grande mais il n'en connaissait pas tous les recoins. Alcide pouvait être n'importe où et même ailleurs. Peut être avait-il trouvé refuge à l'extérieur ? Ou bien était-il cachait chez un habitant.
- Et si on commençait par aller voir chez lui ? Peut être est-il rentré ?

Tomasson remit son masque à gaz et sortit du halle de gare en suivant Fernand.
Le brouillard se faisait plus sombre, à travers l'épaisse brume les rayons du soleil faiblissaient, la fin de journée approchait peu à peu.
Malgré la perte de luminosité, il n'était pas compliqué pour le régulateur de suivre la goule luminescente qui irradiait de sa lumière verdâtre.
Ils arrivèrent devant la porte du wagon d'Alcide.
- Hum... regardez ça monsieur Napier, le cadenas a disparu. Alcide est peut être rentré.
Tomasson s'approcha de la porte et toqua au carreau. Il recommença après un court instant, mais personne ne répondait.
- Hum... méfions nous, vous êtes armé monsieur Napier ?
Le régulateur sortit son arme, un vieux tromblon aussi grossier que destructeur, puis ouvrit doucement la porte du wagon.
- Monsieur Alcide ? Cria t-il. Nous sommes régulateurs, nous aimerions vous poser quelques questions.
Toujours pas de réponse. Tomasson entra en faisant signe à Fernand de rester dehors, il ne voulait pas mettre un civil en danger si jamais Alcide était armé et retranché chez lui.
Fernand attendit, puis Tomasson réapparu.
- Rien, il n'y a personne. Restez sur vos gardes tout de même.
L'intérieur était plutôt cosy, assez bien aménagé pour le faire ressembler à un véritable appartement.
Des tapis cachaient le sol de métal et des posters habillaient les murs. Sur l'un d'eux, un calendrier datant de Février 2077 avec le Jeudi 11 entouré en rouge. Sur un autre, une tête de cervignard empaillée qui faisait la fierté de son chasseur, Alcide lui-même.
Le wagon était meublé d'une petite cuisine, d'une couchette, d'un établit et d'un vieux placard en ferraille. Dans le fond, un projecteur sur un trépied était relié à un générateur.
Au milieu de la pièce se trouvait un bureau avec un terminal. Posée à côté, la photo d'un couple, certainement Alcide et sa femme avant leur transformation en goule.
- Regardons ce que nous pouvons trouver. Êtes vous doué en informatique monsieur Napier ? Je suis sûr que ce terminal pourrait nous révéler quelques indices.
Malheureusement, celui-ci était verrouillé par un code sans qui on ne pouvait y accéder, à moins de pouvoir le pirater...

Fernand s'installa au bureau en s'asseyant sur un vieux fauteuil d'avant guerre qui devait être aussi âgé que lui. Le terminal s'alluma dans un petit bruit de turbine et bipa à plusieurs reprises avant d'afficher « ROBCO INDUSTRIES UNIFIED OPERATING SYSTEM » en vert sur fond noir. Il était toujours étonnant de voir ces appareils fonctionner encore même 100 ans après la chute des bombes.
La page d'accueil de l'ordinateur afficha quatre espaces correspondant au quatre caractères du mot de passe. Suivant son intuition, Fernand entra 1102, mais la machine lui retourna un message d'erreur. Il tenta alors 0211 avec le même résultat, puis plusieurs combinaisons issues du calendrier : 2077, 0277 ou encore 7702. Rien ne fonctionnait.
Pendant ce temps, Tomasson regardait sous les posters et les tapis comme le lui avait conseillé Fernand, mais il ne trouva que du métal et rien d'intéressant.
- Visiblement vos lectures de nous sont pas d'un grand secours, je n'ai rien trouvé... finit-il par dire, vous avez réussi à pirater le terminal ? Essayez de voir dans les tiroirs du bureau, peut être qu'on pourra y trouver des indices.
Tomasson s'approcha du bureau et attrapa la photo encadrée du couple.
- Alcide et son épouse je suppose ? Je me demande de quand date cette photo. Il resta songeur un instant. Vous avez encore des photos de vous lorsque vous étiez... "humain" ? Pardon, je ne sais pas si c'est très poli à demander...

Fernand ouvrit le premier tiroir du bureau. Que de la paperasse sans intérêt.
Il ouvrit le second, juste en dessous. Cette fois il y avait des choses d'intérêt :
Un colt N99 avec ses munitions, à côté deux petites plaques métalliques ovales.
- Des plaques d'identité militaires, commenta Tomasson, Alcide aussi était dans l'armée ?
Fernand sortit les plaques pour y lire : Bertrand Lambert, 2145, A+, Athée.
- Bingo ? Qu'est ce que Alcide fait avec les plaques de Lambert dans son bureau ?
Tomasson observa plus en détail la photo du couple comme le lui avait demandé Fernand. Il n'y avait rien derrière. Il ouvrit le cadre et retourna la photo.
- "17 septembre 2048, mariage" c'est écrit, dit Tomasson en retournant la photo vers Fernand pour lui montrer, peut être notre code. Essayez donc.
Fernand entra 1709, puis 0917, sans aucun effet, puis 2048. Un bip de validation résonna.
- Bien joué, le félicita le régulateur qui vint se placer derrière l'épaule de la goule pour suivre les révélations du terminal.
Il y avait plusieurs entrées.



- Ça ressemble à des aveux, il avait bien l'idée de s'en prendre à la Légion. Il y a une entrée plus récente, regardez.

Le régulateur réfléchit un instant.
- Hum... à la seule vu des informations du terminal peut être, comme vous dite monsieur Napier, il n'avoue pas concrètement, mais il possède quand même les plaques d'identité de Lambert, ça c'est une preuve irréfutable. Pourquoi il les aurait ?
Et ne tirons pas des conclusions trop hâtive sur Claudie, rien ne nous dit pour le moment qu'elle a effectivement aidé Alcide. En tout cas nous avons peut être d'autres questions à lui poser.
Tomasson observa encore un instant la pièce. Il n'y avait rien de plus à trouver ici à part les affaires personnelles d'Alcide sans rapport avec l'enquête, peut être quelques capsules et d'autres choses de valeur ? Mais ce serait du vol et Tomasson ne laisserait pas passer ça, à moins de le faire discrètement.
- En tout cas vous avez raison sur un point, tout cela nous informe sur le sort de Lambert, mais pas sur celui des 4 autres disparus. S'il n'est pas responsable des autres, Alcide a en tout cas un lien avec la dernière victime. Peut être n'est-il responsable que de la disparition de Lambert ? Ça nous permettrait au moins de régler cette affaire là avant de résoudre les autres.
Que faisons nous ? Vous voulez retourner voir Claudie ?

- Déjà de retour mon chou ? Je vous ressers un verre ?
Fernard posa les plaques militaires sur le comptoir sans réaction de la barmaid qui posa deux verres devant les enquêteurs.
- Comment ça Alcide vous a dit que je savais où il était ?
- Son terminal nous l'a dit, précisa Tomasson, nous sommes allés chez lui, c'était ouvert, et nous avons trouvé ces plaques et des messages compromettants vous impliquant.
- Je ne comprends pas, se défendit Claudie en ramassant les plaques posées devant elle. Ce sont celles de Lambert, l'humain qui a disparu. Pourquoi Alcide les avait chez lui ?
Échec du jet de vigilance
La barmaid avait l'air vraiment surprise, impossible de dire si elle jouait bien la comédie où si elle disait la vérité.
- Écoutez, continua Claudie, il est vrai que j'ai mit Alcide en garde, mais je vous jure que j'ignore où il se trouve. Demandez à d'autres, ils vous diront. Bergamotte ! cria t-elle à travers le halle de gare.
A la table de jeu un peu plus loin, une grande goule se leva. Elle était large d'épaule avec une longue cicatrice qui lui barrait la tête en lui déformant le visage. Pour avoir jouer aux cartes avec lui, Fernand savait qu'il s'agissait d'un ancien ribleur repenti grâce à la religion, mais qu'il ne fallait pas trop le chercher non plus.
- Bergamotte, tu m'as bien dit avoir vu Alcide partir d'ici ? Lui demanda Claudie.
- Oui, répondit l'ancien ribleur avec sa voix caverneuse. A votre arrivée monsieur le régulateur, je l'ai vu quitter la ville.
- Et vous n'auriez pas pu nous le dire avant ? Questionna Tomasson.
La goule ne répondit pas. Bien que ribleur à la retraite, il gardait naturellement une aversion pour les régulateurs, surtout humains.
- Désolé de ne pas pouvoir plus vous aider, leur dit Claudie. Mais j'ai bien l'impression que vous avez trouvé le coupable de toute cette histoire. Je vous offre un verre pour vous remercier au nom de la ville !

Bergamotte resta muet, se contentant de lancer un regard à Claudie.
La barmaid commença à balbutier quelques mots de réponse.
- Euh... et bien... je ne sais pas moi. Peut être est-il repassé ici.
Tomasson souriait devant les coups de rame de Claudie.
- Mais, l'entrée de Nécrotopia n'est-elle par gardée ? Interrogea t-il. Quand nous sommes arrivés des hommes en armes nous ont ouvert les portes. J'imagine qu'on entre ou qu'on ne sort pas comme on veut d'ici. Ça me paraît peu probable qu'Alcide ait pu faire des aller-retour sans que personne ne le voit.
- Écoutez, moi je pense que vous allez chercher trop loin. Il paraît évident qu'Alcide soit impliqué dans cette histoire. Vous avez trouvé les plaques de Lambert chez lui, qu'est ce que vous voulez de plus ? Je vous sers un verre et nous reparlerons de tout ça demain. D'ici là, peut être qu'Alcide sera réapparu, il n'y a que lui qui détient les clefs du mystère, je le crains.
Claudie força son plus beau sourire et servit deux verres de whisky jusqu'à ras bord.

Tomasson suivit Fernand à l'extérieur sans remettre son masque à gaz. Cette fois, la nuit était tombée et Nécrotopia commençait doucement à s'endormir.
- Bien joué monsieur Napier. Vous êtes croyant vous aussi ou cette citation de la bible était du bluff ? En tout cas, cette Claudie en sait plus qu'elle veut bien nous faire croire. Et ce Bergamotte ne m'inspire pas confiance. Je vois mal Alcide aller et venir comme il veut, à moins qu'il ait des complices et à ce moment là, nous sommes en train de mettre à jour quelque chose de bien plus gros que ce que nous pensions.
Le régulateur sortit un paquet de RadApple de sa poche et en proposa une à Fernand.
- Qu'est ce que vous pensez de la situation ? Vous êtes toujours aussi certain de l'innocence d'Alcide ? Vous pensez qu'il va se montrer demain ?
Tomasson prit un taffe de sa cigarette et souffla sa fumée dans la brume radioactive. S'il voulait s'empoissoner les poumons, ici nulle besoin de tabac, il pouvait simplement respirer l'air de la ville.
- J'espère que Léna-Rose et David ont avancé de leur côté.

Quoi qu'il en soit, le régulateur notait précieusement chaque éléments dans son carnet. Ces informations pourraient être bien utiles. David releva les yeux de son carnet de temps à autre pour fixer la compagne de la victime qui exposait les détails de leur passée d'accrocs au jeu. Enfin "leur".. plutôt son. Son mari était cané pour sûr, même si David ne pouvait se permettre de dire quoi que ce soir. En parlant de ne se permettre de dire quoi que ce soit mais n'en pensant pas moins, entre deux annotations, il jetait un regard en direction de Lena-Rose comme pour s'assurer qu'elle ne manquait pas des détails évidents, cette fois. Connasse.
Bien que cela pouvait être une coïncidence.. avoir plusieurs victimes avec des dettes de jeu pouvait paraître un peu gros (ou alors le MJ est vraiment nul..). Peut-être que le deuxième duo pourrait confirmer ou infirmer que cette information était une véritable piste.

- Oui. Bien-sûr. répliqua David à la dernière requête de la jeune femme. 

Bien que de base il avait proposé de la raccompagner par gentillesse, v'la qu'il était un peu bloqué. Il n'allait pas l'envoyer chier maintenant. Bon, c'est vrai, ce n'est pas elle qui payait après tout, mais bon. Enfin, fallait aussi y aller au Sanctuaire. C'était une piste ? N'en avaient-ils pas parlé un peu plus tôt ? Peu importe. Pour le moment, ils avaient tout ce qui leur fallait ici. Pour en être sûr, David demanda une dernière fois à là jeune femme si elle pensait qu'il restait une information importante à leur transmettre. Sait on jamais. 

- M'dame si vous nous avez tout dit, c'est bon pour nous. Nous allons rejoindre notre collègue. Nous viendrons vous chercher quand nous quitterons la ville. Si vous avez des affaires que vous souhaitez emporter, c'est le moment de les préparer. Il détourna son regards vers sa dîtes collègue. On retourne voir Tom et monsieur Napier. Le jeune homme espérait quand même que le duo de choc avait récupéré des indices un peu plus palpables.

David et Léna-Rose retrouvèrent Tomasson et Fernand Napier.
Ils échangèrent sur les avancées qu'ils avaient fait chacun de leur côté, puis décidèrent d'arrêter là pour aujourd'hui.
Fernand retrouva le wagon qu'il occupait depuis le début de son séjour à Nécrotopia, alors que les trois régulateurs se rendirent dans un local qu'on leur avait réservé. Il y avait là trois lits de camp et une lampe à huile pour s'éclairer, ainsi qu'un lavabo relié à une citerne chargé d'eau de pluie. Un confort minimum mais bien supérieur à la plupart des habitants des terres désolées.
Tomasson fit son rapport au Préfet sans lui évoquer Alcide de peur de le mettre encore en colère.

Dans la nuit, Tomasson, Léna-Rose et David firent le bilan de leur premier jour d'enquête. Grâce à l'aide de Fernand Napier, celle-ci avait bien avancé même si beaucoup de zones d'ombre restaient à éclaircir.
Les régulateurs avaient pu en apprendre plus sur le profil de 3 des 5 disparus :
Léa (ou bien Laura ou Charlotte), une jeune esclave ayant fuit avec son petit frère (mort sur le chemin jusqu'à Nécrotopia).
Eric, arrivé à Nécrotopia avec sa compagne pour fuir la mafia de Terminus.
Le dernier disparu, Lambert, un déserteur de la Légion.
Alcide, une goule connue pour sa haine des humains était le principale suspect. Impossible de retrouver sa trace mais la fouille de son logement révéla son implication : des messages sur son terminal et les plaques d'identité de Lambert dans son bureau. Surtout, il se serait disputé avec lui la veille et Alcide aurait de bonne raison d'en vouloir au dernier disparu, sa femme ayant été tuée par des soldats de la Légion à qui depuis il vouait une grande haine. Mais rien n'impliquait Alcide pour les autres victimes.
Claudie, la barmaid du halle de gare, aurait peut être protégé Alcide. L'implication de Bergamotte, un ancien ribleur, n'était pas clair non plus.
L'interrogatoire de la compagne d'Eric n'avait pas apporté grand chose, mais celle-ci avait demandé aux régulateurs de pouvoir l'emmener au Sanctuaire.
Huguette, la goule folle, leur avait parlé d'une grande bête qui s'en prendrait aux humains, peut être un monstre luminescent, mais étant donné son état mental et l'incohérence de son discours, ses paroles avaient peu de valeur.

Avant de se coucher, Léna-Rose fit une prière à Atome et invita David à se joindre à elle. Puis on atteignit les lumières jusqu'au lendemain matin.
A l'aube, les trois enquêteurs retrouvèrent leur adjoint, Fernand, puis attendirent l'apparition d'Alcide. L'accusé ne se présenta pas. On alla voir chez lui, la porte était toujours ouverte et rien n'avait bougé. Toujours aucune trace d'Alcide.
- Bon, que faisons nous ? Finit par demander Tomasson. Tant que nous n'auront pas discuté avec ce Alcide notre enquête piétinera. Nous devrions peut être interroger Claudie et Bergamotte, leur rôle n'est pas clair dans cette histoire. Il nous reste aussi à nous rendre au Sanctuaire pour discuter avec les Adeptes, mais ça ne m'apparaît pas être la priorité.