Alors que David réfléchissait aux détails de l'affaire, un doute persistant planait dans son esprit. Alcide, le suspect présumé, ne semblait tout simplement plus correspondre au profil du véritable coupable. Les pièces du puzzle ne s'emboîtaient pas, et David ne pouvait se défaire de l'impression que quelque chose clochait. Il avait été très vindicatif au sujet de la goule.. et peut-être qu'il avait juste voulu en faire le suspect idéal.
Plutôt que de s'accrocher à son évaluation initiale, il savait qu'il était crucial de considérer toutes les possibilités. Existait-il des pistes négligées, d'autres suspects ou des motivations cachées qui pourraient éclairer la vérité ? Pas facile à dire. Léna-Rose et lui même n'avaient appris que peu de choses et le duo Tom-Fernand, bien qu'ayant plus avancé, n'avait pas de preuves irréfutables qu'Alcide était le véritable coupable.
- Plus le temps avance, commença David, plus j'ai l'impression qu'Alcide n'est pas le vrai coupable. Même si quelques éléments pointent dans sa direction, c'est pas comme si il y'avait des preuves irréfutables et un véritable mobile. Qu'il s'en prenne à Lambert, passons, mais les autres ? Je trouve ça trop gros. Et de ce que vous dîtes, il semblerait qu'avoir Alcide dans notre viseur n'importune pas grand-monde. Si il y a bien un autre véritable coupable, il doit être aux anges. Le régulateur était un peu sarcastique avec sa dernière phrase. Néanmoins, ça se valait avant tout comme une auto-critique. C'était une des règles du métiers, certes le Rasoir d'Ockham était une vérité qui  faisait foi, néanmoins, on ne pouvait et devait pas toujours s'y fier.
David s'étira un bon coup. Faut dire que la nuit n'avait pas été particulièrement folle.. (la seule folle c'était Léna-Rose et sa religion à la con..)
- Retournons interroger les Thénardiers. De ce que j'ai compris, votre échange avec les deux zouaves avait l'air plutôt bizarre. En plus, il y aura peut-être d'autres personnes à cette heure-ci qui en sauront un peu plus. D'ailleurs, très juste monsieur Napier, les entrées sont gardées.. peut-être que quelqu'un a pu profiter de sa position pour fermer les yeux sur ce qui était en train de se passer. 

- Tu as raison David, si nous nous trompons de cible, le vrai coupable doit jubiler, acquiesça Tomasson. On a essayé de chercher pourquoi les victimes avaient disparus, et mise à part qu'ils soient tous humains leurs profils ne se ressemblent pas. Essayons peut être de réfléchir à comment ils ont disparus. Le Préfet pourrait peut être nous renseigner, il connaît parfaitement sa ville.
- David vient de soulever l'idée qu'un haut placé pourrait être impliqué, souligna Léna-Rose, tu es sûr qu'on fait faire confiance au Préfet ?
- Horace est celui qui a fait appel à nous, c'est un ancien régulateur et il s'inquiète de la réputation de sa ville, je le vois mal être à l'origine de ces disparitions. Ça aurait été absurde de nous engager alors que Nécrotopia est une ville isolée et que les disparus sont pour la plupart des fugitifs, s'il ne voulait pas qu'on trouve les coupables il aurait laissé coulé. Par contre son adjoint... c'est lui le premier a nous avoir parlé d'Alcide, et s'il avait voulu nous mener sur une mauvaise piste ? Méfions nous.
Je propose que monsieur Napier et moi retournions interroger la tenancière et ce Bergamotte. David et Léna, allez voir le Préfet pour lui demander s'il existe d'autres entrées que la porte principale, puis faites un tour de la ville. Essayez de trouver comment on pourrait sortir quelqu'un d'ici discrètement, dans l'hypothèse où les disparus ont bien quitté la ville, ce que nous ignorons toujours. Ça vous va ?

- A oui ? Je l'ignorais. Mais de nos jours la religion d'Atome est très répandue, ma collègue Léna-Rose est elle même une fervente croyante. Vous ne l'êtes pas monsieur Napier ?
Personnellement je ne suis pas pratiquant, mais j'ai été élevé dans la foi. Quand j'étais petit c'est le confesseur de mon village qui tenait l'école, et j'ai apprit à lire sur des extraits de l'évangile du prophète Adams. Mais cela fait bien des années que je me suis éloigné de tout ça, je ne suis pas d'un naturel superstitieux.
Avant de pénétrer dans le hall de gare, Fernand et Tomasson firent un tour des lieux comme l'avait suggéré la goule luminescente.
[jet de perception réussi]
Ils passèrent devant l'entrée, dépassèrent les deux châteaux d'eau puis longèrent les anciennes rails avant de revenir sur leurs pas. La vieille gare provinciale était petite, on en avait vite fait le tour. Elle était pourvue de deux grandes portes : l'entrée principale et la sortie qui menait aux quais. Pas d'autres accès, mises à part les fenêtres cassées pour la plupart condamnées par des planches.
Rien de plus à observer.
A l'intérieur il n'y avait pas grand monde, la journée commençait à peine. Charles était toujours là, encore à lire un journal d'avant guerre, mais cette fois la date avait changé et indiquait 22 octobre 2077 juste à côté du prix : 7 Euro-Dollars.
La grande horloge surplombant le hall affichait toujours 15h47.
Claudie était là et venait d'ouvrir son bar qui occupait les anciens guichets. Au dessus du comptoir était toujours écrit « bilets » (l'un des L était tombé). Derrière, un distributeur Nuka-Vin jouxtait le pod vide d'un protectron qui devait autrefois faire office de guichetier. Une petite porte, fermée par un terminal, menait à la réserve du bar.
Aucune trace de Bergamotte.
- Comment voulez-vous vous y prendre monsieur Napier ? demanda discrètement Tomasson. Vous connaissez mieux que moi cette femme et la nature des goules.

Dans l'épais brouillard radioactif qui s'étendait comme une toile malsaine sur Nécrotopia, David et Léna-Rose progressaient en direction du bureau du Préfet, comme demandé par Tomasson. Les masques protecteurs sur leurs visages créaient une barrière entre eux et l'air vicié, filtrant les particules toxiques qui flottaient dans cette atmosphère étouffante. David savait déjà qu'il aurait besoin d'une bonne mise au vert après cette mission. Il n'aimait pas trop ces coins là. Enfin, certes les radiations était légèrement partout de nos jours, néanmoins, ce n'était pas forcément une raison pour s'en prendre un bain plus conséquent. 
Les conteneurs, disposés en une mosaïque désordonnée, formaient un labyrinthe complexe. Ils avaient réussi à ne pas se perdre, c'était un petit exploit en somme. Entre le brouillard et les conteneurs, faut dire qu'un peu tout se ressemblait malheureusement. Les quelques goules qu'ils croisèrent se contentèrent de les toiser de haut en bas sans échanger avec eux. Comme à leur arrivée, ce n'était jamais agréable de voir des étrangers, humains qui plus est, se balader chez soi quand on était une goule. Enfin, c'était ce que pensait David. Mais comment pourrait-il comprendre les souffrances du peuple goule ? Lui qui était un homme.. 
- Je ne sais pas pourquoi... Commença David. J'ai l'impression que tu n'aimes toujours pas cette ville. Il ne pu s'empêche de rire. Il faut t'endurcir Léna. Nécrotopia n'est pas le pire endroit où tu pourrais finir, tu sais.
- Je sais. Souffla la jeune régulatrice.
Enfin, après quelques minutes à sa balader dans le dédales de rouille, ils atteignirent les portes du bâtiment administratif de Nécrotopia. Un nom ronflant pour le bureau du Préfet. Les gardes postés à l'entrée observaient leur arrivée, mais la réputation des régulateurs les dispensa d'une inspection approfondie.
- B'jour. Le Préfet est là ? David s'adressa à deux gars non loin du bureau.
Pour seule réponse, une des deux goules pointa la porte par dessus son épaule, les invitant à rentrer. Apparemment, c'était le cas. Les duo s'engouffra dans le bâtiment jusqu'à atteindre son bureau et le saluèrent poliment.
- Préfet. Nous souhaiterions vous poser quelques questions... Concernant la ville, en dehors de l'entrée principale par laquelle nous sommes passés, en existe t'il des secondaires ? Si ce n'est pas le cas, avez-vous déjà eu des soucis de brèche ? Les conteneurs sont costauds, mais entre la rouille et les autres échos du temps, certains peuvent être en moins bonne condition. Le régulateur se frotta le menton. Les victimes ont disparu... mais si vous me dîtes qu'il était impossible pour eux de quitter la ville sans passer par l'entrée principale, cela veut dire qu'ils sont peut-être toujours ici.

- Bonjour Fernand, répondit-elle. C'était la première fois qu'elle l'appelait par son prénom et pas "mon chou", elle était bizarrement un peu moins affable que d'habitude. Elle n'était pas du matin ou bien redoutait-elle de nouvelles questions du luminescent et de son compagnon régulateur ?
- Je vous sers un café ? Effectivement je n'ai pas vu Alcide, tu penses bien que je vous aurais prévenu sinon.
- Pour sûr qu'il n'est pas venu boire son verre, insista Tomasson en suivant Fernand dans les insinuations.
- Comment ça ?
Machinalement, la barmaid sortit deux tasses blanches jaunis par le temps pour les remplir de café, ou plutôt de "café" car il s'agissait là plus d'eau chaude aromatisée qu'autre chose, rien à voir avec la boisson d'avant guerre. C'est hélas tout ce qu'on pouvait trouvé au milieu de la brume irradiée de la grande mer des Abîmes.
- Vous savez où se trouve Alcide ? Demanda Claudie.
[jet de perception réussi]
Faignant l'indifférence, Fernand décela tout de même une petite pointe d'inquiétude dans la voix de la barmaid.


Pendant ce temps dans le bureau du Préfet, celui-ci fixait David d'un regard noir. Il avait visiblement toujours en grippe le jeune régulateur pour ses paroles malheureuses de la veille.
- Vous voulez savoir comment Alcide a fait pour vous fuir ? Ne manqua t-il pas de piquer avec un sourire narquois.
Puis il fit un signe de la main pour inviter les deux régulateurs à s'asseoir à son bureau tout en ouvrant sa boite à cigares comme pour enterrer la hache de guerre et repartir à zéro.
- Nécrotopia est une petite ville, mais mes hommes et moi ne sommes pas assez nombreux pour surveiller constamment l'ensemble des remparts. On les a bien renforcé, obligé avec les bestioles qui nous traînent autour, mais on peut très bien passer au dessus facilement, surtout la nuit. Et même le jour quand la brume est épaisse... Donc oui des brèches il y en a, pour ainsi dire. Et vous pensez bien qu'on les a chercher nos disparus. Comme j'ai dit, Nécrotopia n'est pas grande, on a fouillé partout et on n'a jamais retrouvé leurs traces. A moins d'avoir fait complètement disparaître leur corps - j'en ai déjà vu se désintégrer en cendre avec un coup de laser bien placé, dit-il en aparté, ils ont certainement quitté la ville.
Il y a aussi l'ancien réseau d'égout qui passe sous la ville, mais ça fait des années qu'on l'a condamné pour éviter que les bestioles ne s'y infiltrent.

Les pensées tourbillonnaient dans la tête de David alors qu'il tentait de comprendre ce qui lui échappait. Chaque piste semblait prometteuse au départ, mais se transformait rapidement en un chemin sans issue. Les heures passées à interroger des témoins et à examiner des indices n'avaient abouti à rien de concret. Une pointe de frustration s'immisçait à chaque coin de sa conscience. Il se demandait s'il avait manqué quelque chose d'important, si une pièce du puzzle lui échappait.

- On ne peut pas dire que l'on avance... Pour ce qui est d'Alcide, malgré certains indices, je le crois innocent. Certes, il a le profil du parfait suspect. Néanmoins, j'ai l'impression que ça arrange certaines personnes que nos vues se soient portées sur lui. Le régulateur croisa les bras. J'ai un peu observé le tout, j'imagine mal quelqu'un porter un corps à bout de bras par-dessus le périmètre. Pas très discret, même de nuit. Auraient-ils quitté la ville de leur plein gré ? Curieux... Ils n'avaient guère de raison de le faire, qui plus est si se fût de nuit.
David réarrangea ses cheveux.
Et pour ce qui est ce système d'égouts... ? 
Sachant que vous l'aviez scellé, vous avez tout de même inspecté ses abords ? Rien d'inhabituel ?

Rien de beau ni de nouveau sous le ciel de Paris. Le Préfet avait légèrement tué la flamme d'espoir qu'aurait pu emmener David avec lui. Ils n'avaient guère de raison de le faire, qui plus est si se fût de nuit.
Si personne ne les a vu quitter la ville, mais qu'en même temps il est sûr et certains qu'ils n'y sont plus, l'enquête devenait plus complexe. Il ne restait plus beaucoup d'options.. Les égouts mentionnés par le Préfet pourraient être une nouvelle piste.

- Ah d'accord. Se contenta de répondre Claudie aux insinuations de Fernand. Pauvre Alcide, dit-elle sans être capable de cacher un léger sourire. Elle avait l'air un peu plus détenue.
Je vous ressers du café ?


Le Préfet resta un moment circonspect, refusant d'admettre que non, ils n'avaient pas inspecté les égouts.
- Hum... comme je l'ai dit cela fait des années que les égouts sont scellés, plus personne n'y va, donc non, je vous avoue que nous n'avons pas regardé de ce côté là...
- Quelqu'un aurait pu les rouvrir ? Questionna Léna-Rose.
- Tout est possible. Mais ce n'est qu'un dédale labyrinthique de tunnels sombres et humides. Je ne sais même pas où ils s'arrêtent. Vous voulez vraiment y descendre ?

- Ah. Le régulateur se racla la gorge. Se valant aussi circonspect que le Préfet.. et légèrement taquin.
Je vois. 


"Et vous pensez bien qu'on les a chercher nos disparus." Sur le moment, David n'eût guère envie de disparaître lui aussi à Nécrotopia.. pas étonnant que les pauvres victimes ne furent jamais retrouvées si on les cherche, mais pas partout. Néanmoins, le jeune affichait un léger sourire crispé. Et si c'était enfin la piste dont ils avaient tant besoin ? Honnêtement, que ce soit le cas ou non, c'était la seule à l'heure actuelle.
David posa ses mains à plat sur le bureau du Préfet. 

- L'envie de descendre, c'est un bien grand mot voyez-vous, Préfet. Mais. Je pense que nous n'avons pas le choix.. Peut-être que la clef de ce mystère s'y trouve.. C'est un endroit plus qu'adéquat pour faire disparaître des choses.. ou des gens. 
Pourriez-vous m'en dire plus sur l'endroit ? Des choses à savoir ? On risque de croiser des saloperies ?

- Tout ce que tu voudras mon chou. Claudie redonnait du « mon chou » à Fernand et affichait désormais un large sourire. Et vous monsieur le régulateur ?
Tomasson fit signe de la tête en mettant une main au dessus de sa tasse pour signifier qu'il n'en revoulait pas. Il avait déjà eu du mal à finir son premier, le café de Nécrotopia était une véritable pisse. Si les papilles gustatives des goules étaient altérées par les radiations, celles des humains ne l'étaient pas.
- Je suis heureuse que vous ayez trouvé votre coupable, continua Claudie, j'espère qu'il vous dira tout. Cette sale affaire n'a que trop duré.  
Tomasson lança un regard perplexe à Fernand, ne sachant trop comment interpréter les réactions de la barmaid à leur bluff.
Il allait dire quelques choses quand un bruit l'arrêta, comme une explosion lointaine, étouffée, qui réussit à faire sursauter les tasses sur le comptoir.
- Qu'est ce que c'était que ça ? Demanda Tomasson.


- C'est un endroit aussi lugubre que des égouts abandonnés depuis 100 ans, répondit le Préfet. Ça pu, c'est humide, étroit et sans aucune lumière. Normalement c'est sans danger, on les avait vidé et fermé. Mais si quelqu'un les a réouvert il est possible que des bestioles aient pu y entrer. Je vous conseil de bien vous armer.
Le Préfet se leva et fit quelques gestes à ses hommes qu'ils comprirent aussitôt.
- Nous allons vous accompagner. Si vous avez besoin de munitions, vous pouvez vous servir dans notre réserve.
David et Léna-Rose suivirent le Préfet et trois de ses hommes jusqu'à l'entrée des égouts : une plaque métallique scellée qu'on dû ouvrir à coup de marteau et de burin.
Si Nécrotopia était encore endormie, le tapage la réveilla. Des badauds curieux se rapprochèrent, rapidement évacués par les gardes.
Finalement, on réussit à ouvrir la trappe, délivrant une odeur de renfermé et de pourriture macérée. Heureusement que les masques à gaz filtraient l'air, mais les goules si prirent les remugles en pleine narines.
Le Préfet fit signe à l'un de ses hommes de descendre. Puis il tendit une lampe torche à David.
- Fait bien attention, le vrai danger c'est de s'y perdre, lui dit-il.
Léna-Rose était légèrement tremblante, peu rassurée à l'idée d'entrer dans les souterrains. Elle se signa avant et fit une rapide prière silencieuse à Atome.
David la suivit dans les galeries dormantes. L'endroit était tel que l'avait décrit le Préfet : la lampe du régulateur ouvrit l'obscurité noire en illuminant un sol marécageux et des murs de briques suintant d'humidité. Quelques champignons luminescents sur les parois éclairaient d'une faible lueur.
- C'est grand, nous devrions nous séparer pour couvrir plus de terrain, proposa le Préfet. Mais puisqu'il était le chef reconnu ici, ses propositions valaient pour des ordres.
Avec deux des siens, le Préfet prit la droite, et laissa Léna-Rose, David et son adjoint prendre la gauche.
Le moindre bruit résonnait, leurs pas dans les flaques d'eaux, leur voix et la respiration des masques à gaz. Au détour d'un couloir, une lumière lointaine vacilla. On s'arrêta pour observer. Le fusil de Léna-Rose produisait des cliquetis métalliques qui trahissaient ses tremblement et la respiration de son masque à gaz se faisait plus haletante.
Une petite masse lumineuse sortit de l'obscurité.
- Un radcafard luminescent. Ce n'est rien, rassura l'adjoint, mais ne le provoquons pas.
La bestiole avait au moins le mérite d'éclairer l'endroit.
[jet de perception raté]
Malgré sa peur, Léna-Rose avança d'un pas. Puis une détonation éclata dans un grand flash blanc qui rendit sourd et aveugle pendant quelques instants.
- Aaah ! s'écria l'adjoint du Préfet qui n'entendait même plus son propre cri.
Quelque chose venait de leur péter à la gueule.

La pénombre régnait en maître, rompue uniquement par les faibles éclats de lumière provenant des lampes torches bricolées de l'équipe du Préfet. L'air était lourd, chargé d'une odeur stagnante de moisissure et de décomposition. Les eaux usées stagnaient dans de vastes canaux, créant une symphonie nauséabonde qui enveloppait chaque recoin sombre. Pas étonnant qu'ils avaient rapidement confiné cet endroit. Les terres désolées de la Capitale était un endroit certes hostile, néanmoins, bons nombres de lieux tels que les égouts donnaient encore bien moins envie de s'y aventurer.
Les raisons étaient nombreuses : dangers inconnus, peu de visibilité et quasi impossibilité de répliquer en cas d'attaque. Un coupe-gorge en somme.
- Léna. Fais bien attention. David se voulait rassurant. Sa coéquipière qui n'était déjà pas fan de la ville, ne devait pas l'être bien plus des égouts. 
La seule lueur d'espoir dans tout cela, était le fait que les habitants de Nécrotopia avaient pris la peine de nettoyer la zone. Il est vrai que cela s'était passé un certains temps, mais, on ne pouvait pas s'en plaindre tout de même. 
Comme dirait Jonas : "C'est toujours une épine en moins de mon trou du cul.." 
Pour sûr, il aurait adoré se vautrer dans ces égouts, il aurait pointé son vieux fusil à pompe bien droit devant prêt à tirer sur la première chose venue.
Les pas de trio resonnaient au fût et à mesure qu'ils se déplaçaient dans l'ancien système d'égouts. Le Préfet n'avait pas tord, un vrai labyrinthe. Dire que des gens travaillaient ici sans se perdre, chapeau. Bien que l'endroit était guère accueillant, ils ne croisèrent pas grand chose durant une bonne partie du trajet.
Presque assez pour commencer à croire qu'il n'y avait rien en ces lieux. Presque.
Une attaque en traitre et un grand flash. Humain ou une saloperie ? 
Peu importe. Le groupe fût désorienté quelques secondes. Se voulant protecteur, David passa son bras devant Léna-Rose pour la couvrir au cas où.
Le régulateur recula de quelques pas comme si son corps en avait besoin pour comprendre ce qu'il venait de se passer. De par la topographie des lieux, les effets étaient légèrement décuplés.. faut dire qu'ils n'avaient rien pu faire pour les minimiser tant l'attaque fût soudaine. 
David, armé de ses double tromblons personnalisés, était prêt à riposter peu importe ce qu'il y avait en face. De plus, il se servait peu de ces deux-là, et actuellement étant les seules armes en sa possession (c'est une longue histoire..), il était obligé de s'en servir.
Ses sens reprenaient le dessus. Presque.
- Adjoint! Rien de cassé ? Il articulait difficilement, un halo lumineux toujours posé devant ses yeux.
David profita d'un petit renforcé pour prendre position, certes ce n'était pas le meilleur endroit de la terre mais il était plus ou moins à l'abri tant que la menace n'était pas identifiée. Qu'est ce que cela pouvait-il être ? Le jeune tenta d'analyser la situation pour se faire une idée sur celle-ci.
Le tout prêt à tirer peu importe la menace.

L'adjoint du Préfet se tenait la tête entre ses mains en gémissant de douleur, il avait été le premier touché. Léna-Rose était dans le même état, rendue complètement aveugle par le flash.
David, un peu en retrait n'avait pas subit autant que ses compagnons, mais sa vue allait rester troublée pendant encore un moment. Un gros point blanc lumineux était imprimé sur sa rétine et ses oreilles bourdonnaient d'un horrible acouphène.
La voix du Préfet, inaudible, résonna dans les catacombes, avant de se rapprocher, attiré par le bruit de l'explosion.
- Qu'est ce qui s'est passé ? Cria t-il, inquiet à l'idée que son adjoint soit touché ou pire.
Le Préfet et ses deux hommes restèrent en retrait, bien à l'abri d'une potentielle nouvelle attaque.
L'adjoint retrouva son calme et réussit à prononcer quelques mots :
- J'ai pas fait attention, j'ai senti mes pieds se prendre dans quelques choses, ça a dû déclencher l'explosion.
Il criait à moitié, avec ses tympans bourdonnants il avait du mal à entendre sa propre voix.
- Merde, s'écria le Préfet, bougez pas !
Le Préfet se rapprocha avec ses hommes, les armes pointées vers les ombres à l'affût de la moindre menace, mais le calme apparent était revenu.
Après s'être enquis de l'état de son adjoint, le Préfet observa les lieux à l'aide de sa torche. Il ramassa un fil dans l'eau stagnante du sol.
- C'est ça qui a déclenché l'explosion, dit-il en remontant le fil jusqu'au piège. Merde, quelqu'un a piégé l'endroit. Ça va vous ? Demanda t-il en direction des deux régulateurs.
Écoutez, ça devient dangereux. On ne voit rien ici et si il y a des pièges c'est la merde. Continuez d'explorer si vous voulez, mais nous on va remonter, je ne vais pas risquer la vie de mes hommes dans ce trou. En tout cas, on sait maintenant que quelqu'un est venu ici.

A la surface, Nécrotopia s'était un peu agitée suite à la détonation.
Tomasson arrêta une goule qui était sortie elle aussi.
- Qu'est ce qui se passe ? Vous avez entendu l'explosion comme nous ?
- Le Préfet est descendu dans les vieux égouts. Ça venait d'en dessous, expliqua t-elle en désignant de son doigt décomposé la trappe par où étaient entrés les régulateurs.
- Merde, Léna, David.
Tomasson se précipita pour rejoindre la trappe. Un des hommes du Préfet était resté à la surface. Il tenta d'arrêter Tomasson en le prévenant du danger mais le régulateur, inquiet pour ses compagnons, n'écouta pas. Sans se préoccuper de savoir si Fernand le suivait, il descendit l'échelle.
- Léna, David ! Cria t-il avant de les rejoindre.

En tout cas, ce qui était sûr, c'est que la chance était de leur côté. Faut dire qu'il en faut toujours un peu dans métier, après tout. Néanmoins, c'était vraiment le cas.. Si ces tunnels étaient réellement piégés de fond en comble, ils aurait pu finir dans un bien pire état. Combien de régulateur avait perdu un membre ou la vie dans ce genre de situations ? Vous voulez savoir.. ? Beaucoup. Beaucoup trop même. En parlant de chance, le Préfet décida de ne pas pousser celle de ses hommes et par extension la sienne. Trop dangereux. Il avait décidé de rebrousser chemin.. Il invita le duo à continuer d'explorer si ils le souhaitaient.. Vraiment ? Ils n'étaient pas la par choix. Quitter les égouts revenait à abandonner, sans doute, leur seule piste sur le moment.
- Je comprends, Préfet. Vos hommes d'abord. Souffla David. 
David avait empoigné Léna-Rose sans réellement faire attention aux dires du Préfet. Si il voulait remonter, grand bien lui fasse. S'assurant qu'elle n'avait rien, il palpait la jeune femme pour s'assurer qu'elle n'avait pas été blessé par quoi que ce soit. Il ne manquerait plus que ça. Ce genre d'attaques pouvait être fourbe.. les explosions ça faisait des dégâts dont on ne se rendait pas forcément compte sur l'instant..
- Léna, ça va ? Le régulateur était légèrement inquiet. Après tout, il avait décidé de descendre ici. Il se serait senti plus que coupable si la jeune femme avait été blessé. Une carrière qui commence sur les chapeau de roues. Certains diraient qu'il s'agît seulement là d'un entraînement à la dure et que ce genre de situations lui feraient le plus grand bien dans sa carrière. Peut-être. Ceci étant dit, que ce serait mieux que sa carrière ne s'arrête pas de façon prématurée.
Finalement, elle ne semblait avoir rien. Il soupira pour lâcher un peu la pression. C'était déjà ça.
Alors que les sens des deux compères étaient revenus quasiment à leur état initial, et que le groupe du Préfet étaient en train de se préparer à faire le chemin inverse, les cris de Tom résonnaient dans le vieux labyrinthe de pierre et d'acier. Il était proche. 
Dès que son résonna dans ses oreilles, David se tourna vers la provenance du bruit.
- Tom ? Tom ! On est là ! 
David avait levé la voix pour que l'expérimenté régulateur ne les rejoigne. Il ne fallut que peu de temps avant que sa silhouette n'apparaisse.
Comme une sorte de "soulagement", David posa la main sur ses genoux avant de souffler en direction du sol pour extériorisé le surplus d'adrénaline qu'il venait de recevoir. Et pour en avoir reçu.. il en avait reçu...
- On a rien.. 100% en vie. Enfin, pas de beaucoup. C'était chaud, bordel. Le jeune homme expliqua en deux-trois mots ce qui venait de se passer. Maintenant, David était sûr qu'ils étaient sur la bonne piste. Alcide pas Alcide.. peu importe. Quelqu'un de plutôt très suspect avait préparé ces pièges. Il fallait y mettre la main dessus. Il ne pu s'empêcher d'échanger ce que lui avait dit plus tôt le Préfet sur l'endroit (qu'il avait été scellé.. jusqu'à peu apparemment..).
Maintenant, il fallait se reconcentrer et voir ce que voulait faire Tom, il restait la personne avec le plus d'expérience ici. Il pourrait trouver, au même titre que le Préfet, que la situation est bien trop dangereuse.. même si David était pour continuer. Ce qui est sûr, c'est que la personne derrière tout ça ne voulait ni être suivie ni dérangée..  
- On fait quoi maintenant.. Le jeune homme regarda ses collègues en chien de faïence, en attendant quoi faire.

Grâce à la présence de Fernand, plus besoin de lampe torche ou presque, il éclairait tout l'endroit par sa luminescence.
Léna-Rose restait sonnée et Tomasson avait l'air inquiet pour sa petite protégée.
- Tu es sûr que c'est bien utile David ? Demanda t-il à son collègue qui proposait de poursuivre les recherches. Ça m'a l'air dangereux, et dans l'obscurité on voit que dalle.
Le régulateur inspecta les lieux plongés dans la pénombre verdâtre tout en réfléchissant à la situation.
- Si c'est une bombe incapacitante qui vous a sauté au visage, peut être que celui qui a posé ça ne veut tuer personne. Mais qui sait sur quoi on va tomber. Peut être que avez eu de la chance et qu'on risque de tomber sur un vrai piège mortel ? Mais si quelqu'un a piégé l'endroit c'est qu'il s'y cache ou cache quelque chose, ou quelqu'un peut être.
Tomasson resta pensif, ne sachant trop s'il pouvait risquer la vie de ses compagnons ou bien continuer à remonter la piste, la plus concrète qu'ils avaient depuis leur arrivée. Finalement, la curiosité finit par le convaincre :
- D'accord, continuons. Monsieur Napier, vous pouvez remonter si vous voulez. Vous êtes un civil, je ne voudrais pas que vous vous mettiez en danger. Léna, ça va aller ?
La régulatrice resta muette mais fit un signe de tête pour signifier qu'elle allait bien.
Au bout du couloir se trouvait un croisement. Un couloir partait sur la gauche, alors que l'autre filait sur la droite. Il fallait choisir ou bien se séparer pour explorer les deux voies en même temps.

- Oui, je suis sûr. Le régulateur répliqua d'un ton sûr. Si nous faisons demi-tour, autant rentrer à la Guilde. Léna, tu es vraiment sûre que tout va bien ? Tu pourrais aussi bien rester à l'extérieur et t'assurer que personne n'entre ni ne sort de ce putain d'égout. 
Tom avait plus que raison de poser cette question. Honnêtement, c'était un peu la merde. À mesure qu'ils progresseraient, les régulateurs pourraient -enfin, c'est presque sûr- subir toute une variété de pièges qui pouvaient avoir été dissimulés par quelqu'un.. peut-être "leur" quelqu'un, d'ailleurs, peu importe ses intentions ou des créatures mutantes. 
Après tout, malgré la seule présence d'un radcafard, de nombreuses autres choses pouvaient se cacher ici.  Des câbles tendus, des planchers instables et des détonateurs primitifs faisaient partie des menaces potentielles qui pouvaient surgir à chaque tournant. Chaque devait être calculé, chaque mouvement empreint de prudence. Un doigt dans le nez pour un régulateur, non ? 
- Bon.. La galère, hein.. Souffla le brun. 
David s'avança de quelques pas en direction de la séparation. Il éclaira l'endroit avec sa lampe torche. Rien ne pouvait réellement dire lequel des deux chemins était le bon ou le moins dangereux. Soudain, un grincement métallique résonna, interrompant le silence précaire. Le régulateur stoppa net, alerte. 
Sa lampe balayait l'obscurité, révélant des câbles effilochés et des tuyaux brisés. Les murs semblaient prêts à s'effondrer à tout moment, menaçant de piéger le groupe.
Fausse alerte. Enfin, peut-être ? Était-ce le cas ? Sur le moment, il ne pouvait pas vraiment dire. David se retourna en balayant le groupe avec sa lampe torche.
- Du coup. On fait quoi ? On se sépare encore ? David attendait l'avis de chacun. Si on se sépare, c'est plus facile d'être pris à partie.. néanmoins, si on reste ensemble, y'a moyen qu'on meurt tous ensemble à la prochaine explosion. Il ne pu s'empêcher de rire nerveusement après avoir prononcé ces derniers mots..
Sérieusement, Tom, Léna.. m'sieur Napier. Vous en pensez quoi ? Ensemble et on fait attention.. ou on se sépare et on fait très attention ? Je pense qu'on a besoin d'un peu y réfléchir. David n'avait pas tord, certes, on était pas loin du hasard.. mais ça pourrait très vite compliquer ou faciliter leur exploration des sous-sols de Nécrotopia.

Vu que les siens tergiversaient, Tomasson trancha et prit la décision :
- Nous allons rester ensemble. La lumière de monsieur Napier est trop précieuse. Comme il l'a dit, si nos lampes tombent en rade nous serons perdus. J'ouvrirai la marche avec monsieur Napier, Léna et David, suivez nous de loin, assez pour que vous soyez à l'abri si nous tombons sur un piège.
Puis le régulateur se tourna vers le dilemme. À droite ou à gauche ? Sur combien de kilomètres s'étendaient ces égouts ? Allaient-ils avoir assez d'une journée pour tout explorer ?
Au hasard, Tomasson indiqua la gauche et s'enfonça dans l'obscurité.
Avec la goule luminescente à ses côtés, il pouvait voir un peu où il marchait.
Comme l'avait remarqué David, les murs usés par le temps avaient perdu en solidité, ce qui inquiéta Tomasson : si les pièges n'étaient effectivement pas mortels, une explosion pouvait fragiliser encore un peu plus l'édifice et faire s'effondrer les galeries sur eux...
Quelques mètres plus loin, ils tombèrent sur un autre carrefour. Toujours à l'aveugle, Tomasson choisi une nouvelle fois la gauche, mais tomba sur un cul de sac qui l'obligea à rebrousser chemin pour poursuivre vers la droite.
Derrière, suivaient à quelques mètres David et Léna.
David avait du mal à se remettre de l'explosion. Si ses sens étaient revenus à peu près à la normale, son crâne lui faisait horriblement mal. Il avait l'impression qu'on lui enfonçait des aiguilles dans le lobe frontal pour lui traverser la cervelle jusqu'à l'occiput. La migraine tambourinait à ses tempes.
- Hey mon garçon !
David se paralysa d'un coup, car il cru reconnaître la voix qui l'appelait dans l'obscurité. Une silhouette fantomatique se détacha, puis apparut à la lumière de la torche le visage familier de Jonas.
- David, je te trouve enfin ! C'est la guilde qui m’envoie te prêter main forte. On dirait que tu t'es encore fourré dans de beaux draps, j'ai pas cru le Préfet quand il m'a dit que tu t'étais enfoncé dans les égouts.
Jonas salua le reste de la bande. Puis il continua :
- En vous cherchant je suis tombé sur quelques choses d'intéressant, suivez moi c'est par là !

- Jonas, tu tombes à pic. Déclara David. Ta venue est plus que bienvenue. J'imagine que la guilde t'a mise au courant de la situation, mais laisse-moi te mettre à jour.
Il expliqua rapidement leurs découvertes, les pièges et l'explosion. Jonas écouta attentivement, son regard balayant régulièrement les environs, même si il ne semblait pas plus à l'affût que ça.
Bien, bien, fils. Fit-il en tapotant l'épaule de David. Nous allons trouver cet enfoiré tous ensemble. Et je ne vous laisserai pas errer dans ces tunnels sinistres plus longtemps. Suivez-moi.
David acquiesça, appréciant la présence de renforts. Ils reprirent leur marche, Jonas en tête, guidé par la lueur de la goule luminescente. La migraine de David persistait, mais il se força à rester concentré.
Alors qu'ils avançaient, Jonas expliqua qu'il avait découvert une voie qui semblait mener vers une zone prometteuse. La tension commença à se relâcher légèrement parmi le groupe. En suivant les indications de Jonas, ils évitèrent les culs-de-sac et les pièges potentiels. 
La troupe avança avec prudence, traversant des passages étroits et des salles sombres. À un moment donné, ils atteignirent une intersection. 
Jonas hésita un instant avant de choisir la droite cette fois-ci. Le groupe progressa dans un silence tendu. Les égouts semblaient prendre des tournures inattendues, et l'atmosphère oppressante faisait ressortir chaque bruit étrange. Finalement, après une série de virages, ils débouchèrent sur une grande salle souterraine.
Jonas raconta brièvement ce qu'il avait découvert pendant ses recherches, mentionnant des signes d'activité inhabituelle dans les égouts et des traces suspectes qui semblaient converger vers une zone précise. Il espérait que cela pourrait les conduire à leur suspect, peu importe qui il fût. Le grand mystère allait peut-être être enfin résolu.

Jonas prit les devants pour ouvrir la marche. Il avait l'air de connaître parfaitement les lieux. Alors qu'il n'avait pas de lampe torche, il savait où se diriger.
Pendant qu'il avançait, il continuait de parler à David.
- Elara est là haut, elle a insisté pour m'accompagner. Elle s'inquiétait beaucoup pour toi tu sais.
A côté de lui, Léna-Rose semblait interloquée.
- David, qui est ce Jonas ? Demanda t-elle pleine d'inquiétude.
Alors qu'ils approchèrent encore d'une intersection, Fernand et Tomasson se dirigèrent sur la voie de gauche alors que Jonas insistait pour prendre à droite.
- Non non, c'est par là, suivez moi. David, dit leur de me suivre.
Vers la droite, semblait émerger au loin des voix.