Lenny avait basculé en même temps que l'armoire, et un bras putréfié vola dans une arabesque de sang grand-guignolesque dans le magasin avant de retomber mollement avec un bruit spongieux. Une goule était écrasée sous l'armoire, les autres étaient également bloquées, mais pas pour longtemps.

Ibrahim avait détalé comme un lapin, et Lenny s'empressa de suivre le mouvement. Il se redressa en prenant bêtement appuie sur son poignet foulé, et lâcha un cri de douleur en se relevant tout de même, poussé par l'urgence et l'adrénaline. Il se précipita à la suite de son associé, grimpant les escaliers quatre à quatre. Une fois en haut, il s'écroula contre un mur, essoufflé. Il eut alors le plaisir de recevoir une énorme gifle dans la tête.

Il en avait prit toute sa vie, et il en prendrait encore, sans jamais qu'il n'apprenne rien. C'était une tête à claques, on ne se refait pas. Cette fois, la leçon avait été plutôt intense et marquante, nonobstant la baffe.

Ibrahim lui passa un savon, que Lenny nécouta pas vraiment, les yeux dans le vague, perdu dans le lointain, se demandant encore par quel miracle, quel saint, quelle bonne étoile, il s'était sorti vivant de cet enfer. Il revoyait le bras voler, les bêtes d'apparences vaguement humaines, et pourtant si loin de toute humanité, leurs râles rauques et leur allure monstrueuse et affamée...

" Ça te fait mal comment ? "

Lenny essaya de bouger les poignets l'un après l'autre, dans tous les sens. Ils étaient endoloris, tous les deux, mais le droit lui faisait mal davantage.
" Quand je suis comme ça, ça va, si je lève plus ou si je force, j'ai mal... "

Il avait les deux poignets pendants, ce qui lui donnait l'air d'une folle précieuse efféminée. Il ne lui manquait plus que le sac à main sur l'avant-bras et le chihuahua sous l'autre.

" Dans la galerie tu veux dire ? Tu crois qu'on y trouvera des soins ? Je peux continuer... On devrait essayer. "

Il y eut un moment de silence, et Lenny regarda ses pieds, avachi sous la fenêtre entre-ouverte, d'où les râles menaçants des bêtes leur parvenaient. Sa joue était encore rouge. Ils l'avaient vraiment échappé belle. Ibrahim avait raison de s'être mis en colère.

" Je ferai plus attention, à l'avenir... On va continuer, je peux encore porter du matériel dans mon sac à dos. Je vais être utile..."

Alors que Lenny et Ibrahim s'étaient relevés tant bien que mal, laissant derrière eux le chaos du magasin. Par chance, tout ce bazar n'avait pas attiré l'attention. Tant mieux. Une fois mais pas deux, comme dirait l'autre. Quoi qu'il en soit, le duo pouvait remercier le ciel : ils n'étaient pas passés loin d'une catastrophe.. et d'une belle ! 
Dévoré par une goule, honnêtement, il y a bien mieux comme mort. Par exemple, mourir vieux d'une overdose de jet dans son lit. Ouais, ça c'est pas mal ! Quoi qu'il en soit, malgré les doutes d'Ibrahim, Lenny était toujours d'accord pour continuer. Brave garçoon. Si c'est vraiment ce qu'il désirait et bien, en avant ! Le duo se remit alors en route vers la destination prévue.

Leurs pas résonnaient sur le macadam fissuré, chaque craquement semblait annoncer l'arrivée imminente d'un danger invisible. Pourtant, malgré la tension qui planait dans l'air, ils avançaient plutôt bien. Faut dire qu'ils avaient plus ou moins l'habitude. 
Ils traversaient des quartiers abandonnés, où les façades des bâtiments décrépis semblaient se pencher menaçantes sur leur passage... se prendre une brique sur la tronche c'était jamais bien marrant !  Des voitures calcinées jonchaient les rues, rappelant les jours sombres qui avaient précédé la chute de la civilisation. Des affiches déchirées flottaient au gré du vent, témoins muets d'un monde révolu. Devant un tel spectacle, il était difficile de s'imaginer à quoi pouvait ressembler le monde d'avant. 

Alors qu'ils marchaient dans les rues désolées de la capitale, leurs regards se posèrent sur un vieux cinéma en ruines, ses murs décrépits témoignant des jours glorieux désormais révolus. Malgré les ravages du temps et de la guerre, une affiche délavée et abîmée persistait, comme un dernier vestige de la civilisation passée.
De près, on pouvait à peine distinguer les mots, mais l'image était encore reconnaissable : "Psycho, Classe Affaire", proclamait-elle autrefois en lettres majestueuses, désormais estompées par les éléments. À côté, le visage séduisant et énigmatique de Vincent de Razell, l'ancienne star du cinéma français, regardait avec une intensité immuable malgré les marques du temps qui avaient altéré son image.
C'était le dernier film de Razell, une tentative peut-être désespérée de retrouver la gloire perdue. Mais le destin en avait décidé autrement. Les bombes étaient tombées le jour de l'avant-première, anéantissant toute chance pour le film de voir le jour. Maintenant, l'affiche délavée et l'édifice en ruines étaient tout ce qui restait de ce chef-d'œuvre inachevé, témoins silencieux d'une époque révolue, figés dans le temps comme un poignant rappel de ce qui aurait pu être.

Malgré la douleur qui leur tiraillait chaque membre, ils continuaient d'avancer.
Enfin, après des heures qui leur avaient paru une éternité, ils atteignirent la galerie, un passage étroit entre deux bâtiments délabrés. Les murs suintaient d'humidité, les rats s'enfuyaient à leur approche, mais ils ne s'attardaient pas.

Le magasin qu'ils avaient ciblé se trouvait au fond d'une vieille gallérie. Bien qu'à une époque celle-ci était le symbole du capitalisme primaire, aujourd'hui, elle ne servait que de témoin d'un monde qui n'existait -presque- plus. Pour l'instant, tout c'était bien passé pour le duo.. enfin, si on ne comptait pas l'incident de tout à l'heure. Au moins ils étaient en vie. Scrutant chaque recoin de la galerie, s'attendant à tout moment à être attaqués, il avancèrent en faisant attention à chaque recoins de leur environnement. Mais le destin semblait leur sourire, car ils parvinrent à la traverser sans encombre.

Et c'est ainsi, épuisés mais résolus, qu'ils arrivèrent enfin. MetroMedia Megastores, un bâtiment imposant situé au cœur de Paris, se dressait devant eux malgré les ravages du temps. Ses murs de béton, autrefois ornés de néons lumineux, témoignaient maintenant de l'usure du temps, recouverts de graffitis et de marques de délabrement. Les fenêtres autrefois vitrées étaient maintenant brisées, laissant le vent siffler à travers les couloirs vides.
À l'intérieur, les rayons métalliques qui supportaient autrefois une grande variété de produits culturels : vinyles, livres, film.. , étaient maintenant vides et poussiéreux. Une grande bâche avait survécu. Elle affichait une publicité pour la sortie du nouveau tome de Grognak le Barbare, un comics publié par Hubris Comics avant la grande guerre. C'était un personnage plutôt apprécié des lecteurs malgré le coût élevé des numéros.
Malgré son état de décrépitude, MetroMedia Megastores son architecture robuste défiait les éléments, résistant stoïquement à l'épreuve du temps. Peu de bâtiments avaient eu la chance de subir le même sort à Paris. Les autres magasins de la zone étaient plus ou moins dans le même état.. ils avaient soufferts, mais moins que d'autres. Plusieurs boutiques pouvaient être aperçues : des magasins de vêtements, d'électronique et même un restaurant de fruits de mer.. "Le Trident". Pour le moment, il n'était pas possible d'être sûr et certains qu'ils trouveraient des choses intéressantes, en tout cas, il y avait de quoi chercher..

Le gosse n'était pas en bon état, à l'écouter. Ibrahim le dévisagea, et cela se voyait que malgré ses capacités limitées de réflexion, il essayait de réfléchir au meilleur plan pour que tous les deux, ils puissent rentrer jusqu'à la Communauté. Il aurait pu abandonner le gamin là, mais ça, il ne le pouvait pas. C'était un crétin, mais il le connaissait. Il se sentait ... responsable en quelque sorte, même dans ses erreurs.

"Doit bien y avoir une pharmacie dans ces grandes galeries ... juste te trouver des bandages, des anti-douleurs ... voir un stimpack."

Oui, s'ils trouvaient un stimpack, cela aiderait grandement. Mais l'important était d'aider Lenny à pouvoir user de ses mains sans qu'il ne se torde de douleur. Ibrahim hésita quelques instants de plus, avant de poser la question directement à Lenny, d'homme à homme. En espérant que la dernière expérience l'avait fait grandir un poil. Son cadet lui assura d'être encore capable, de pouvoir lui être utile. Ibrahim lui fit alors un sourire, malgré ses sourcils encore froncés, signe des restes de colère qui l'animaient encore :

"Bon gamin."

Mais le récupérateur n'était pas du genre à s'attarder du passé. Il allait de l'avant, toujours. Ils étaient vivants et encore capables, c'était le plus important. Il s'approcha alors de la porte, faisant signe au gosse de le suivre, avant de lui dire :

"Par contre, tu fais exactement ce que je te dis maintenant ... sinon la prochaine fois, je t'abandonne tout seul et sans me retourner. D'accord ?"

Un ton sérieux, il ne plaisantait pas. Lenny les avait mis en danger une fois, pas deux. Le rouquin lorgna une dernière fois vers son camarade, et souffla un coup.

"On va devoir traverser la rue ... t'es pas en état d'escalader les toits."

Lenny savait ce que cela signifiait. Ils se mettaient en danger. Ibrahim avait tout fait pour qu'ils évitent de quitter les toits, quand cela était possible. Mais avec les mains du garçon dans cet état, c'était inutile de songer à passer par les hauteurs. Leur chance de survie était réduite jusqu'à la galerie. Quand à rentrer chez eux, ils n'avaient aucune chance.

Le deux jeune homme évoluèrent alors dans la rue. Ibrahim allait devant, très lentement, essayant le plus possible de ne pas se mettre à découvert. Si ce n'étaient les cris étouffés des goules qui filtraient encore hors du bâtiment, la rue semblait être déserte. Mais parfois, c'était le calme qui angoissait le plus, car tout survivant savait que ça ne durait pas, jamais.
Une rue qui aurait dû leur prendre cinq, dix minutes à traverser à l'ancienne époque, leur prit presque qu'une heure. Ibrahim était pointilleux. Il allait d'un recoin à l'autre, se dissimulant constamment dans l'ombre. Et alors qu'il s'assurait qu'il n'y avait pas de danger, il faisait un signe à Lenny pour qu'il le rejoigne se cacher avec lui. Parfois, il lui demandait d'attendre cinq minutes sans bouger, juste parce qu'il avait entendu un bruit. Lenny eut tout le loisir d'admirer les affiches de film d'avant-guerre. Ils se cachaient derrière l'accueil d'un cinéma, situé à l'entrée. Ibrahim ne toléra aucun son, à peine une respiration, quitte à plaquer sa main devant la bouche du garçon s'il proférait un seul mot, même d'interrogation. Des précautions extrêmes, mais petit à petit, Lenny pouvait comprendre qu'Ibrahim avait dû voir des choses, trop de choses, pour expliquer sa prudence.

Ils arrivèrent en bas des escaliers de la grande galerie, et les montèrent en vitesse, obligé de se mettre à découvert. Mais ils n'auraient pas eu le choix de toutes façons. Au sommet de l'escalier, Ibrahim se retourna. D'où ils étaient, ils avaient une petite vue des rues environnantes. Elles étaient vides, ou du moins, elles paraissaient vides. Chaque recoin d'ombre pouvait cacher un danger différent. De grandes vitres de glace les séparaient alors de l'intérieur. Ibrahim hésita à en briser une, se méfiant du bruit. Mais heureusement, l'une des portes automatiques coulissantes s'ouvrait encore, simplement en tirant dessus avec un minimum d'insistance. Ne pouvant quitter sur Lenny, Ibrahim dut forcer seul, laissant échapper un juron tant il eut du mal à décoincer la porte.

Les deux garçons pénétrèrent enfin dans la galerie. Un ancien lieu du consumérisme. Ibrahim leva les yeux, et laissa échapper un petit sourire, ravi. Il regarda Lenny dans les yeux. Ils y étaient arrivés, malgré les péripéties. Un échange appuyé, avant qu'Ibrahim ne s'amuse à poser sa main sur le visage du garçon, et la plaquer pour la repousser légèrement, déstabilisant un instant le garçon. Un geste amical et taquin, mais qui pouvait toujours passer pour du mépris. Rien de tel pourtant, cela ne faisait qu'amuser le rouquin de traiter Lenny comme un gosse, comme quand ils étaient petits.

"Y a plus qu'à te trouver de quoi te soigner."

Ibrahim se détendit un poil. Il se gratta un peu le bras, celui qui avait été agrippé par la goule un peu plus tôt. La marque des doigts était encore visible sur sa peau blanche et rosie tachetée de rousseurs.

"Une fois que ce sera fait, on pourra faire les courses."

Lui fit-il, pointant du doigt le grand magasin culturel qu'ils avaient tant cherché. Ils y trouveraient probablement leur trésor ici-même. Mais le plus important, c'était de pouvoir le transporter, vivant.

Hrp : Je me suis permis de reprendre un petit détail. Depuis plusieurs posts, il était fait mention que la grande galerie se trouvait au bout de la rue. Donc voyager plusieurs heures soudainement ne faisait plus grand sens. Je me suis permis de raccourcir le temps de voyage, en reprenant l'idée cependant qu'en passant par le sol, Ibrahim et Lenny ont perdu du temps en usant de prudence.
Pour ce qui est de la différence du nom proposé pour le magasin culturel, ça, c'est un détail.

QUESTION aussi : Si on veut faire une recherche pour des soins pour Lenny (voir une pharmacie), on tire le dé ou tu le tires pour nous en te basant sur nos compétences ou tout autre statistique de ton choix ?

Le MetroMedia Megastore était immense, tant en hauteur qu'en longueur. Lenny repéra immédiatement un panneau qui faisait office de plan. Il s'en approcha, et lut ce qui était encore déchiffrable, sous les inscriptions, les mémos et les autocollants cochons. Des autocollants qui avaient d'ailleurs immédiatement attirés le regard de Lenny.
" On est pas les premiers à être venus, en tout cas, c'est sur... "

Spoiler:

" Après peut-être qu'il y a plus personne quand même. C'est peut-être juste d'autres récupérateurs qui sont déjà passé, hein ? "


Lenny regarda autour de lui et le plan, et répéta l'opération plusieurs fois, en plissant les yeux.

" Je crois qu'on est ici. "
dit il en désignant le carré vert proche de la fille à moustache. " Les escaliers sont pas représentés sur le plan je crois. C'est vraiment illisible... Y a des tâches des éraflures et de la rouille de partout. C'est pas ... heu... c'est pas de la merde séchée, ça ? "


L'odeur ambiante dans la galerie prouvait que les chiottes et l'eau courante ne devaient plus fonctionner depuis longtemps. Malgré la hanteur des bâtiments, ça sentait le moisi, le renfermé, agrémenté de légères subtilités tout aussi nauséabondes.

" Y a forcément des bureaux dans ces magasins non ? Des vestiaires pour les gens qui tenaient la boutique ? Je crois qu'on devrait essayer ça, y a peut-être une trousse à pharmacie qui aurait été oublié d'être fauchée... "